AVIS N° 017/10/ARMP/CRD DU 11 AOUT 2010

 

AVIS N° 017/10/ARMP/CRD DU 11 AOUT 2010 DU COMITE DE REGLEMENT DES DIFFERENDS STATUANT EN COMMISSION LITIGES SUR LA SAISINE DE LA SOCIETE UNIVERSAL AUTO DENONCANT LA PRATIQUE QUI CONSISTE A EXIGER DES CANDIDATS AUX MARCHES DE FOURNITURE DE VEHICULES NEUFS, L’AUTORISATION DU CONSTRUCTEUR COMME ENFREIGNANT LES REGLES DE LA CONCURRENCE EN CE QU’ELLE EXCLUE LES VENDEURS D’AUTOMOBILES INDEPENDANTS DU RESEAU DES CONSTRUCTEURS.

LE COMITE DE REGLEMENT DES DIFFERENDS STATUANT EN COMMISSION LITIGES,

Vu le Code des Obligations de l’Administration modifié par la loi n° 2006-16 du 30 juin 2006 ;

Vu le décret n° 2007-545 du 25 avril 2007 portant C ode des Marchés publics ;

Vu le décret n° 2007-546 du 25 avril 2007 portant o rganisation et fonctionnement de l'Autorité de Régulation des Marchés publics (ARMP) ;

Vu la décision n° 0005/ARMP/CRMP du 19 mai 2008 por tant règlement intérieur du Conseil de Régulation des Marchés publics ;

Vu la lettre en date du 15 juillet de la société Universal Auto ;

Après    avoir  entendu le    rapport   de  M.  Oumar     SARR,    rapporteur    présentant   le moyens et les conclusions des parties ;

En présence de Monsieur Mansour DIOP, Président, de MM Abd’El Kader N’DIAYE, Birahime     SECK     et  Mamadou     DEME,     membres      du  Comité    de  Règlement     des Différends (CRD) ;

De   MM   Youssouf   SAKHO,   Directeur   général   de   l’ARMP, Oumar   SARR,   Conseiller juridique   et  René    Pascal   DIOUF,     Chargé    des   enquêtes    sur  la  régularité  des procédures de passation et d’exécution des marchés publics, observateurs ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Adopte     la   présente  délibération   fondée  sur   la  régularité  du  recours,  les   faits   et moyens exposés ci-après :

Par   lettre en date   du 15   juillet 2010, enregistrée le 19   juillet 2010   sous  le   numéro 535/10     au  Secrétariat   du   CRD,   la  société   Universal  Auto    a  dénoncé,    comme enfreignant   les   règles   de   la   concurrence,   le   fait   pour   les   autorités   contractantes d’exiger des candidats aux marchés de fourniture de véhicules neufs la production de l’autorisation du constructeur.

Universal auto a joint à sa saisine des extraits de « Données particulières » contenus dans les dossiers d’appel d’offres suivants :

1.    appel   d’offres   n°  02/2010/MDCL/DADL lancé   par   la  Direction    d’Appui  au Développement local (DADL) ;

2.   appel d’offres n°01/PEJU 1 DMF 01 lancé par la D irection de la Micro finance;

3.    appel d’offres n° VE/ANCAR 01/2009 lancé par l’A NCAR.

ELEMENTS FOURNIS A L’APPUI DE LA DENONCIATION

Universal   auto   expose   avoir   constaté   qu’au   niveau   des   dossiers   d’appel   d’offres relatifs à   la   vente   de véhicules   neufs,   l’inclusion  de   clause exigeant   des   candidats aux appels d’offres l’autorisation du constructeur à commercialiser son produit.

Universal   auto   soutient   que   cette   clause   entrave   l’accès   du   marché   de   véhicules neufs à tout concurrent qui n’est pas agréé du réseau de distribution du constructeur.

Se prévalant de son statut de revendeur indépendant des réseaux des constructeurs, Universal auto déclare s’approvisionner en toute légalité auprès de compagnies de distribution   internationales   en   Europe,   en   Asie   et  aux   USA.   Il   déclare   inscrire   ses actions     dans    le   respect    des    règles   régissant     la  vente    des    véhicules    neufs, notamment en assurant les garanties requises, un service après vente performant, un service technique doté d’outillages modernes et de personnel qualifié.

Universal  auto conclut qu’aucune  loi ou  impératif  économique   ne   peut   justifier l’insertion    de   la  clause    contestée,     qui,   du   reste,  est    contraire    aux   directives européennes   123/85   et   1400/2002   et   celles   toutes   récentes   du   25   mai   2010   qui libéralisent le marché de la distribution automobile.

L’OBJET DE LA SAISINE

Il   résulte   des   faits   ci-dessus   exposés   que   la   saisine   de   Universal   auto   soulève   la question   de   savoir   si   l’insertion   dans   le   DAO   d’une  clause   exigeant   des   candidats l’autorisation du constructeur n’est pas de nature à entraver l’accès au marché des candidats non liés aux fabricants par un accord de vente.

EXAMEN DE LA DEMANDE

Considérant   qu’il   ressort   des   exemplaires   de   DAO   produits   par   le   requérant,   que certaines   autorités  contractantes  exigent  des  candidats  aux   commandes  de véhicules   neufs     la   présentation      d’une     « autorisation   du  constructeur »   à commercialiser son produit;

Considérant   que   selon   le   requérant,   cette   exigence  lui   porte   préjudice   en   ce   sens qu’elle    vise   à  restreindre,    voire   interdire   l’accès    des   marchés      aux   entreprises sénégalaises qui ne sont pas agréées par un constructeur d’automobiles ;

Considérant qu’à l’appui de sa saisine, le requérant invoque la Directive n°123/85, 1400/2002   et   le   règlement   n°330/2010   en   date   du   20       avril   2010   édictés   par   la Commission européenne ;

Considérant   qu’en   lieu   et   place   de   ces   textes   qui   ne   sont   pas   applicables   dans l’espace UEMOA, il convient de leur substituer le Règlement n°02/2002/CM/UEMOA du    23   mai   2002    sur   les  pratiques    commerciales      anticoncurrentielles,     pris  en application de l’article 88 du Traité instituant l’Union économique et monétaire Ouest Africaine ;

Considérant que l’article 88 précité dispose : « Un an après l’entrée en vigueur du présent traité, sont interdits de plein droit :

a)   les  accords,     associations      et  pratiques     concertées      entre   entreprises, ayant pour objet ou pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur de l’Union ;

b)   toutes    pratiques   d’un    ou   de   plusieurs   entreprises,      assimilables   à    un abus de position dominante sur le marché commun ou dans une partie significative de celui-ci ;

c)  les aides publiques susceptibles de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions »

Qu’en       application      de      cette     disposition,     l’article    3    du     Règlement n°02/2002/CM/UEMOA             du    23    mai    2002     sur   les   pratiques      commerciales anticoncurrentielles a disposé : « Sont incompatibles avec le Marché commun et interdits, tous accords entre entreprises, décisions d’association d’entreprises et   pratiques   concertées   entre   entreprises,   ayant   pour   objet   ou   pour   effet   de restreindre   ou   de   fausser   le   jeu   de   la   concurrence  à   l’intérieur   de   l’Union, notamment ceux qui consistent en :

a)   des   accords      limitant   l’accès    au   marché     ou   le  libre   exercice    de   la concurrence par d’autres entreprises ;

b)   des   accords      visant   à  fixer   directement      ou   indirectement      le  prix,   à contrôler le prix de vente, et de manière générale, à faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ;

En particulier des accords entre entreprises à différents niveaux de production ou de distribution visant à la fixation du prix de revente ;

c)   des   répartitions   des   marchés   ou   des   sources   d’approvisionnement,   en particulier      des    accords      entre    entreprises      de    production      ou    de distribution portant sur une protection territoriale absolue ;

d)   des   limitations   ou   des   contrôles   de   la   production,   des   débouchés,   du développement technique ou des investissements ;

e)   des    discriminations       entre    partenaires     commerciaux         au   moyen      de conditions inégales pour des prestations équivalentes ;

f)   des subordinations de la conclusion des contrats à l’acceptation, par les partenaires,      de   prestations     supplémentaires,       qui,   par   leur  nature    ou selon   les   usages   commerciaux,   n’ont   pas   de   lien   avec   l’objet   de   ces contrats » ;

Qu’aux termes de l’article 4 du Règlement et en application de l’article 89 al.3 du Traité instituant l’UEMOA, la Commission peut déclarer les articles 88(a) du Traité et 3 du présent Règlement inapplicables :

a)    à tout accord ou catégorie d’accords ;

b)   à toute décision ou catégorie de décisions d’associations d’entreprises ;

c)   et à toutes pratiques concertées ou catégories de pratiques concertées, qui contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie du profit qui en résulte, et sans, d’une part, imposer   aux   entreprises   intéressées   des   restrictions   qui   ne   sont   pas

indispensables   pour   atteindre   ses   objectifs,   d’autre   part,   donner   à   des entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d’éliminer la concurrence »

Considérant que les dispositions sus visées qui concernent les rapports contractuels entre les fournisseurs et leurs distributaires agréés ne font pas obstacle à ce qu’un opérateur,   qui   n’est   ni   revendeur   agréé   du   réseau   de   distribution   du   constructeur d’une      marque       automobile       déterminée,      ni    intermédiaire      mandaté       par    un consommateur,          se   livre  à   une    activité   d’importation     parallèle    et  de    revente indépendante de véhicules neufs de cette marque ;

Considérant que la liberté d’entreprise, garantie par l’article 8 de la Constitution, ne peut être limitée dans son exercice que dans les conditions définies par la loi ;

Considérant qu’en matière d’achats, l’article 24 nouveau du Code des obligations de l’Administration   garantit   aux   candidats   aux   marchés  publics   la   liberté   d’accès   à   la commande   publique   et   l’égalité   de   traitement ;   qu’à   cet   effet,   l’article   27   nouveau dispose   que   si   l’autorité   contractante   peut   requérir   des   candidats   au   marché   toute justification, c’est dans le respect de ces principes ;

Que l’acheteur public ne peut donc rompre l’égalité des candidats en insérant dans l’expression   de   ses   besoins   ou   dans   les   critères   de   sélection   des   candidats,   des clauses de nature à entraver l’accès au marché ;

Considérant que la clause relative à la production  par les candidats au marché de véhicules     neufs    de   l’autorisation   du   constructeur     tend   à  ressusciter    les  accords croisés      de    répartition    des     marchés      ou    des     sources     d’approvisionnement particulièrement restrictive pour la concurrence et contraire aux objectifs de marché commun ;

Que l’accès   du   marché     est   nécessairement        entravé    lorsqu’un    grand nombre de distributeurs sur ce marché sont liés par l’obligation de ne vendre que les produits du fabricant avec lequel ils ont un contrat ou des accords verticaux ayant un effet similaire d’exclusion des tiers comme les revendeurs indépendants ;

Considérant       par   ailleurs,   que   quel   que    soit  le  vendeur,     celui-ci   est  tenu    des obligations légales de garantie d’éviction et de vices cachés ;

Qu’en considération de ces éléments et de la possibilité pour l’autorité contractante de    requérir    des    candidats     un   certificat   d’authenticité,    il  convient    de   déclarer irrégulière   et   contraire   aux   règles   de   concurrence  et   de   libre   accès   aux   marchés publics,     l’inclusion    dans    les   DAO      d’une    clause     relative   à   l’autorisation    du constructeur ; en conséquence,

EMET L’AVIS QUI SUIT :

1)    Dit  que    l’inclusion   dans    les  DAO   d’une      clause   relative    à   l’autorisation   du constructeur à commercialiser son produit en matière d’achat de véhicule neuf est   irrégulière   et   contraire   aux   règles   de   concurrence   et   de   libre   accès   aux marchés publics ;

2)    Dit  que   pour    assurer   le   respect    des    principes    de   concurrence,   de      liberté d’accès   et   d’égalité   de   traitement   des   candidats   aux   marchés   de   véhicules neufs,   les   autorités   contractantes   peuvent   requérir   de   ceux-ci   un   certificat d’authenticité des véhicules mis en vente et des garanties de qualité ;

3)    Dit   que   le   Directeur   Général   de   l’ARMP   est   chargé   de   notifier   à   la   société Universal Auto et à la DCMP, le présent avis qui sera publié.

Le Président

Mansour DIOP

 

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Mis à jour (Mardi, 15 Janvier 2013 00:31)