AVIS N° 015/11/ARMP/CRD DU 26 OCTOBRE 2011

 

AVIS N° 015/11/ARMP/CRD DU 26 OCTOBRE 2011 DU COMITE DE REGLEMENT DES DIFFERENDS STATUANT EN COMMISSION LITIGES SUR LA DEMANDE D’AUTORISATION INTRODUITE PAR AGEROUTE SENEGAL POUR LA PRISE EN CHARGE SOUS FORME D’AVENANT, LE PREJUDICE FINANCIER SUBI PAR LE GROUPEMENT AREZKI/GREEN LINE SUITE A L’AUGMENTATION DES PRIX DU GAS OIL, DU BITUME ET DU CIMENT DANS LE CADRE DE L’EXECUTION DES TRAVAUX D’AMENAGEMENT DE LA ROUTE LABE- SERIBA- MEDINA GOUNASS- TAMBACOUNDA ET DE FACILITATION DU TRANSPORT SUR LE CORRIDOR CONAKRY/DAKAR (TRONCON MEDINA GOUNASS- FRONTIERE GUINEE), SUBSEQUEMMENT A L’AVIS DEFAVORABLE DE LA DIRECTION CENTRALE DES MARCHES PUBLICS (DCMP).

LE   COMITE   DE   REGLEMENT   DES   DIFFERENDS   STATUANT   EN   COMMISSION LITIGES,

Vu le Code des Obligations de l’Administration modifié par la loi n° 2006-16 du 30 juin 2006 ;

Vu le décret n° 2011-1048 du 27 juillet 2011 portan t Code des marchés publics ;

Vu le décret n° 2007-546 du 25 avril 2007 portant o rganisation et fonctionnement de l'Autorité de Régulation des Marchés publics (ARMP), modifié ;

Vu    la  décision  n°   0005/ARMP/CRMP       portant   règlement   intérieur   du  Conseil   de Régulation des Marchés publics ;

Vu la lettre n° 02368/AGEROUTE/DG/DGTOA/DTR en date  du 17 octobre 2011 de AGEROUTE SENEGAL ;

Après   avoir   entendu le   rapport   de   M.   Cheikh   Saad   Bou   SAMBE,   Directeur   de   la Réglementation      et  des   Affaires  juridiques,  rapporteur   présentant   la  requête   du demandeur;

En présence de Monsieur Abdoulaye SYLLA, Président, MM. Abd’El Kader NDIAYE, Mamadou       DEME      et  Ndiacé   DIOP,    membres      du  Comité    de   Règlement     des Différends (CRD) ;

De   Messieurs   Saër   NIANG,   Directeur   Général   de   l’ARMP,   secrétaire   rapporteur   du CRD,   Cheikh   Saad   Bou   SAMBE,   Directeur   de   la   Réglementation   et   des   Affaires juridiques,   René    Pascal   DIOUF,    Chargé    des   enquêtes   sur   les  procédures    de passation    et  d’exécution   des   marchés    publics,  délégations   de  service   public  et contrats    de  partenariat,  Ely  Manel   FALL,   Chef   de  Division  à  la  Direction  de  la Réglementation et des Affaires juridiques, observateurs ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Adopte la présente délibération fondée sur la régularité de la saisine, les faits et les moyens exposés ci-après :

Par   lettre   mémoire   en   date   du   17   octobre   2011,   enregistrée   le   lendemain   sous   le numéro      1092/11    au   Secrétariat    du   Comité    de   Règlement     des    Différends, AGEROUTE Sénégal a saisi le CRD aux fins de solliciter son avis relativement à la requête introduite par le groupement AREZKI/Green Line pour la prise en compte du préjudice financier subi du fait de l’augmentation des prix du gasoil, du bitume et du ciment   lors   de   l’exécution   des   travaux   d’aménagement   de   la   route   Labé-   Sériba- Médina Gounass- Tambacounda et de facilitation du transport sur le corridor Conakry/ Dakar (tronçon Médina Gounass- Frontière Guinée).

A l’appui de sa demande, le requérant a produit les copies des pièces suivantes :

•    Copie de la notification de l’Ordre de service n° 29/DGTOA/AATR ;

•    Lettre d’AREZKI n° 0200/YSR/AKS/2011/DAF du 25 mai  2011 et ses annexes (état des prix officiels en FCFA au titre du gasoil établi par le « Comité national des   Hydrocarbures »,   l’Indice   du   Moniteur   des   prix  du   bitume,   l’Etat   des   prix officiels en FCFA de la tonne de ciment CEM II 32,5 en sacs de 50 kgs établi par la SOCOCIM ;

•    La lettre de la DCMP n° 4534/MEF/DCMP/13 du 03 oct obre 2011 ;

•    Copie du procès verbal de réception provisoire des travaux.

SUR LA COMPETENCE

Considérant que, par lettre en date du 23 septembre 2011, AGEROUTE Sénégal a saisi la DCMP d’une demande d’avis suite à la requête introduite par le groupement AREZKI/Green Line dont l’objet est la prise en compte du préjudice financier subi lors de   l’exécution   du   marché   litigieux,   du   fait   de   l’augmentation   des   prix   du   gasoil,   du bitume et du ciment ;

Considérant qu’en réponse, par lettre en date du 03 octobre 2011, la DCMP a donné un avis défavorable à la requête ainsi introduite ;

Considérant       que,   par  lettre  mémoire     en   date   du   17  octobre    2011,   AGEROUTE Sénégal   a  saisi   le   CRD   aux  fins de   solliciter   son   avis   relativement   à   la   réclamation introduite   par   le   titulaire   du   marché,   pour   la   prise   en   charge   du   préjudice   financier découlant de l’exécution du marché ;

Considérant       qu’à   cet  égard,   aux   termes    de   l’article   140  du  Code    des   marchés publics,     la  DCMP      peut   donner     un   avis   sur   les  dossiers     que   lui  soumettent spontanément les autorités contractantes ;

Considérant également que selon l’article 21 du décret 2007-546 du 25 avril 2007 portant     organisation et  fonctionnement   de   l’ARMP, la  Commission Litiges   est également chargée, entres autres, de rendre des avis dans le cadre de la procédure de    règlement     amiable    des    litiges  relatifs  à  l’exécution    des   marchés     publics   et délégations de service public ;

Qu’à cet égard, il y’a lieu de déclarer le CRD compétent.

MOYENS INVOQUES A L’APPUI DE LA DEMANDE

Dans   le   cadre   de   l’exécution   du   marché   susnommé,   le  groupement   AREZKI/Green Line, désigné titulaire à la suite d’un appel à la concurrence, a saisi par lettre du 25 mai 2011, AGEROUTE Sénégal pour demander l’actualisation des prix du marché à la suite des « très fortes hausses qui ont frappé les produits pétroliers, essentiellement le gasoil et le bitume     depuis la date de remise de notre offre          (le 18 mars 2009) à nos jours ».

Le   titulaire   du   marché   poursuit   en   faisant   état   d’un   réel   préjudice   financier   subi   et demande        en   conséquence        à   l’autorité  contractante,      une    compensation tout        en produisant      l’ensemble     des    factures    de   gasoil et   de  bitume     consommés        lors   de l’exécution du marché.

Le montant total du marché litigieux est arrêté à la somme de 18 813 517 780 F CFA TTC, dont :

•    14 645 511 830 F CFA TTC au titre du marché initial,

•    Avenant n° 1 : 2 656 022 435 F CFA TTC,

•    Avenant n° 2 : 1 401 815 154 F CFA TTC,

Par ailleurs :

•    La date de soumission à l’appel d’offres est le 18 mars 2009,

•    L’ordre de service remonte au 09 novembre 2009,

•    La date de démarrage des travaux est le 24 novembre 2009,

•    La date de fin des travaux a eu lieu le 24 juillet 2011 ;

•    L’architecture   du   financement   des   travaux   se   présente   comme   suit :   Etat   du Sénégal (33,5%), Fonds Koweitien pour le Développement Economique Arabe (33,5%) et Fonds Saoudien de Développement (33%).

Selon le titulaire du marché relayé par l’AGEROUTE Sénégal, le préjudice financier subi   est évalué à un milliard cent dix neuf million huit cent soixante seize mille vingt neuf francs (1 119 876 029) TTC.

Pour   illustrer   ses   propos,   il   avance   que   depuis   la date   de   remise   des   offres   du   18 mars   2009,   le   prix   du   gasoil   et   celui   du   bitume   ont  connu   une   augmentation   assez consistante selon les proportions suivantes :

-    Le gasoil   est passé de 420 francs hors taxes  le litre à 629 francs hors taxes le litre, soit une augmentation de 49,8% ;

-    Le   prix   de   la   tonne   de   bitume   est   passé   de   265 000   francs   hors   taxes   à 426 371 francs hors taxes, soit une augmentation de 60,9 %.

Cette position   du   titulaire   du  marché  est  assez  partagée par   l’AGEROUTE  Sénégal qui qualifie de disproportionnée, la variation des prix par rapport à ceux figurant sur le marché   et   par   conséquent,   estime   que   la   situation   vécu   par   le   titulaire   n’est   pas compatible   avec   les   dispositions   de   l’article   20   du   Code   des   marchés   publics   qui prévoient   un   marché   à   prix   ferme   dans   le   cas   où   cette   forme   de   prix   n’est   pas susceptible d’exposer l’une des parties à des risques, du fait de l’évolution prévisible des conditions économiques.

Mais malgré les raisons avancées, la DCMP a rejeté la possibilité d’introduire, sous forme     d’avenant,     une   clause    de   révision   des   prix   pour   la  prise   en   charge    des variations constatées.

MOTIFS DONNES PAR LA DCMP

Au   motif   de   sa   décision   de   rejet,   la   DCMP   avance   qu’une   clause   de   révision   non prévue au contrat initial ne peut être introduite par voie d’avenant pour prendre en compte une fluctuation des prix.

Dès   lors,   il   appartient   à   l’autorité   contractante   d’examiner   toutes   les   justifications fournies à l’appui d’une demande d’indemnité.

L’OBJET DE LA DEMANDE

Il résulte de ce qui précède que la demande d’avis de l’AGEROUTE Sénégal porte sur la possibilité de prendre en charge, par avenant, une clause de révision des prix à la suite du préjudice financier subi par le titulaire d’un marché suite à l’augmentation des prix de certains intrants lors de l’exécution des prestations.

EXAMEN DE LA DEMANDE

Considérant   qu’il   ressort   de   l’article   21   du   Code   des   Marchés   publics   la   possibilité pour   l’autorité   contractante   d’insérer,   dans   le   dossier   d’appel   à   la   concurrence,   une clause de révision afin de prendre en compte la variation du coût des éléments de la prestation concernée lorsque la durée du marché dépasse douze (12) mois ;

Considérant que selon l’article 23.2 du Code des Marchés publics, un avenant ne peut porter que sur les objets suivants :

a)      la   modification   de   clauses   du   marché   initial   n’ayant   aucune   incidence   sur   son montant ni sur le volume des fournitures, services ou travaux mais nécessaires à son   exécution,   y   compris   les   changements   affectant  l'autorité   contractante   ou ceux   affectant   la   forme   ou   la   structure   juridique   du   titulaire   sans   remettre   en cause   les   éléments   du   choix   initial   ni   l'économie   du   marché,   ni   le   titulaire   du marché;

b)      l’augmentation ou la réduction de la masse des fournitures, services ou travaux excédant       les   variations     maximales       prévues     par    le  dossier     d'appel    à   la concurrence ;

c)      la   réalisation   de   fournitures,   services   ou   travaux   non   prévus   au   marché   mais nécessaires   à   l’exécution   de   son   objet du   fait   de   la   survenance   de   sujétions imprévues;

d)      la prolongation ou la réduction du délai d’exécution du marché initial ;

Considérant        que   selon    les   dispositions     de   l’article  10.4   du   cahier    des   Clauses Administratives   générales   du   dossier   d’appel   d’offres   (DAO),   les   prix   sont   réputés fermes sauf si le marché prévoit qu’ils sont révisables ;

Que   cette   révision   des   prix   ne   peut   intervenir   que  si   elle   est   expressément   prévue dans le Cahier des Clauses administratives particulières par le biais d’une formule de révision ;

Considérant        qu’en    application    de   cette    disposition,    l’autorité   contractante     a   pris l’option, au niveau de la clause 4 de la Lettre de marché souscrite par les parties le 24 septembre 2009, de mentionner que les prix sont fermes et non révisables, malgré la durée de dix huit (18) mois prévue pour l’exécution des prestations ;

Considérant également que le groupement d’entreprises AREZKI/Green Line fait droit à une révision des prix des intrants, sur la base des quantités de gasoil, de bitume et de ciment consommés depuis le démarrage des travaux jusqu’en avril 2011, alors qu’il avait    toute    latitude   d’introduire    une    requête     pour   la   prise    en   charge     desdites variations lors de la signature des avenants n° 1 e t 2 respectivement souscrits le 10 juin 2010 et le 18 octobre 2010 ;

Que ne l’ayant pas fait, il ne peut attendre la fin du marché litigieux dont les travaux ont fait l’objet d’une réception provisoire le 09 juillet 2011, pour introduire auprès de l’organe   chargé   du   contrôle   a   priori,   la   demande   de   prise   en   charge   du   préjudice financier subi, si l’on se réfère aux dispositions de l’article 23.3 du Code des marchés publics   modifié   qui   prévoit  qu’aucun   avenant   relatif   à   un   marché   ne   peut   être conclu après la réception des fournitures, services ou travaux qui constituent son objet ; par conséquent,

EMET      L’AVIS QUI SUIT :

1)    Constate que      la clause 4 de la Lettre de marché souscrite par les parties mentionne que les prix sont fermes et non révisables, malgré la durée de dix huit (18) mois prévue pour l’exécution des prestations ;

2)   Constate que      la demande de révision des prix du groupement d’entreprises AREZKI/Green Line a été introduite après la réception des travaux ;

3)   Dit   que   quelque   soit   le   motif   invoqué   pour   justifier   l’avenant   demandé,  la requête soumise n’entre dans aucun des quatre cas prévus à l’article 23.2 du Code des Marchés publics pour produire un avenant ;

4)   Dit   que   toutefois,   pour  obtenir   réparation   du  préjudice   évoqué,   l’attributaire du   marché   peut   introduire,   devant   le   juge,   une   requête   pour   obtenir   une indemnité      compensatrice       dans    les  conditions     fixées  par    le   Code    des Obligations de l’Administration modifié ;

5)   Dit que le Directeur général de l’Autorité de Régulation des Marchés publics est   chargée   de   notifier   à   l’AGEROUTE   Sénégal   et   à   la   DCMP,   le   présent avis qui sera publié.

Le Président

Abdoulaye SYLLA

 

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LES AUTRES AVIS:

Avis n°011/12/ARMP/CRD du 1er aout 2012 du Comité de Règlement des Différends statuant en commission de litiges sur la saisine du CNHU      relative à la suite à donner à un « marché » de restauration.


Avis n°010/12/ARMP/CRD du 1er aout 2012 du Comité de Règlement des Différends statuant en commission de litiges sur la saisine du Ministère de l’Ecologie et de la Protection de la Nature sur la conduite à tenir suite au refus de la DCMP de se prononcer sur les rapports d’évaluation des offres de six (6) marchés.


Mis à jour (Mardi, 20 Septembre 2022 10:06)