DECISION N° 082/14/ARMP/CRD DU 02 AVRIL 2014

 

DECISION  N° 082/14/ARMP/CRD DU 02 AVRIL 2014 DU COMITE DE REGLEMENT DES DIFFERENDS STATUANT EN COMMISSION LITIGES SUR LE RECOURS DE L’ENTREPRISE CERTEC SA PORTANT SUR LA PROCEDURE DE PASSATION DU MARCHE RELATIF A LA  FOURNITURE ET A L’INSTALLATION D’EQUIPEMENTS MEDICO TECHNIQUE POUR LES STRUCTURES SANITAIRES DU CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE ZIGUINCHOR, LANCE PAR LE MINISTERE DE LA SANTE  ET DE L’ACTION SOCIALE.

LE COMITE DE REGLEMENT DES DIFFERENDS STATUANT EN COMMISSION LITIGES,

Vu le Code des Obligations de l’Administration modifié par la loi n° 2006-16 du 30 juin 2006 ;

Vu le décret n° 2011-1048 du 27 juillet 2011 portant Code des marchés publics ;

Vu le décret n° 2007-546 du 25 avril 2007 portant organisation et fonctionnement de l'Autorité de Régulation des Marchés publics (ARMP) notamment en ses articles 20 et 21.

Vu la décision n° 0005/ARMP/CRMP portant règlement intérieur du Conseil de  Régulation des Marchés publics ;

Vu le recours de l’entreprise CERTEC SA ;

Vu  la quittance de consignation 06 mars 2014 ;

Après avoir entendu le rapport de M. Ely Manel FALL, Chef de la Division Réglementation, Direction de la Réglementation et des Affaires juridiques, rapporteur présentant les moyens et les conclusions des parties

En présence de Monsieur Mademba GUEYE, Président ; de M. Samba DIOP, M. Boubacar MAR et M. Cheikhou SYLLA, membres du Comité de Règlement des Différends (CRD) ;

De M. Saër NIANG, Directeur général de l’ARMP, secrétaire rapporteur du CRD ; MM. René Pascal DIOUF, Coordonnateur de la Cellule d’Enquêtes et d’Inspection, Ousseynou CISSE, chargé d’enquêtes ; Moussa DIAGNE, Chef de la Division Formation et Madame Khadijetou DIA LY, chargée d’enquêtes, observateurs ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Adopte la présente délibération ;

Par lettre en date du 06 mars 2014, enregistrée au Secrétariat du CRD sous le numéro 067/14, l’entreprise CERTEC SA a saisi le Comité de Règlement des Différends pour contester un critère contenu dans le dossier d’appel à la concurrence, du marché relatif à la fourniture et à l’installation d’équipements médico technique pour les structures sanitaires du Centre hospitalier régional de Ziguinchor, lancé par le Ministère de la Santé et de l’Action sociale.

LES FAITS

Dans le journal « Le Soleil » du 17 février 2014, le Ministère de la Santé a publié un avis d’appel d’offres sans pré-qualification, ayant pour objet  l’acquisition de fournitures et l’installation d’équipements médico techniques pour les structures sanitaires du Centre hospitalier régional de Ziguinchor.

 A la suite de la parution dudit avis, sept (07) sociétés ont procédé à l’achat du DAO 15-14_Equip_Bloc opératoire et treize (13) ont acheté le DAO 16-14_Equip_SAU. Il faut signaler que le processus d’acquisition est au stade de publication et que la date de d’ouverture était prévue pour le 19 mars 2014, à 10 heures 15 minutes.

 Toutefois, la société CERTEC ayant constaté dans le dossier d’appel à la concurrence une clause qu’elle juge abusive, a intenté, le 28 février  2014, un recours gracieux, au niveau de l’autorité contractante pour l’inviter à enlever ladite clause. Puis, non satisfaite de la réponse de cette dernière, elle a introduit auprès du CRD une requête, par la correspondance du 06 mars 2014 susvisée, pour contester son maintien. 

 Après avoir déclaré le recours recevable, par décision n°059/14/ARMP/CDR du 11 mars 2014, le CRD a prononcé la suspension de la procédure de passation du marché et a demandé la transmission des pièces du dossier de marché pour les besoins de l’instruction.

Par lettre du 18 mars 2014, le Ministère de la Santé et de l’Action sociale a transmis le dossier.

LES MOTIFS A L’APPUI DU RECOURS

A l’appui de son recours, la requérante soutient que l’autorité contractante a invité les candidats à satisfaire à diverses prescriptions parmi lesquelles figurent les clauses IC 5.1 des données particulières qui contiennent un  critère de disqualification des soumissionnaires ayant eu un marché non exécuté au cours des trois dernières années jusqu’à la date de dépôt des offres.

D’ailleurs, elle souligne que ladite clause peut  conduire certains candidats à s’abstenir de soumissionner, sous peine de voir leurs offres rejetées pour inexécution d’un marché, alors que ladite inexécution peut être légitimée par un cas de force majeure ou par le fait de l’autorité contractante. Mais  surtout, parce que l’exclusion des marchés publics est une sanction d’une extrême gravité qui ne se présume pas, elle doit être actée et motivée, par l’autorité administrative compétente qu’est l’Autorité de Régulation des Marchés Publics.

De ce fait, il relève qu’en décidant d’inclure dans les conditions d’appel d’offres une clause d’exclusion qu’elle prendra elle-même ultérieurement, l’autorité contractante viole la règle. Ce  qui justifie l’annulation de ladite décision, ainsi que la modification de la clause discriminatoire qui affecte le cahier des charges de l’appel d’offres lancé par le Ministère de la Santé et de l’Action sociale.

Ainsi, elle estime que la suppression de ladite clause est d’autant plus justifiée que, pour le respect de l’article 27 nouveau du Code des obligations de l’administration, l’autorité contractante doit s’en tenir aux seules exigences dudit texte relatives aux « justifications de qualification des candidats ».

CERTEC fait relever que, pour contrecarrer sa demande, le Ministère de la Santé et de l’Action sociale avoue son forfait en prétendant que la « clause en question est une exigence d’expérience qui vise à prémunir le Maître d’ouvrage de candidats aux performances discutables car ayant des antécédents récents de marchés similaires non exécutés ».

Par conséquent, la requérante pense que cet aveu summum des preuves, signifie que le Ministère de la Santé et de l’Action sociale ajoute à la loi et au règlement ce qui ne s’y trouve pas et justifie amplement la mesure sollicitée, à savoir l’anéantissement de la décision de violer le droit positif et la suppression de la clause dont la mise en œuvre excède bien les pouvoirs de l’autorité contractante et la relance de la procédure.

LES MOTIFS DONNES PAR L’AUTORITE CONTRACTANTE

Selon l’autorité contractante, la DIEM n’a aucune volonté de vouloir exclure de manière illégale ou  prématurée un candidat contrairement à ce que la société CERTEC a voulu insinuer dans son recours.

Par contre, durant ces dernières, le Ministère de la Santé et de l’Action sociale (MSAS) appuyé par ses partenaires techniques et financiers, a entrepris une politique de relèvement du plateau technique des structures sanitaires à travers :

-       des contrats de performances d’objectifs et de Moyens (CPOM) avec les hôpitaux (Banque Mondiale) ;

-       un appui au renforcement du système de santé (Fonds Mondial, JICA, etc.) ;

-       l’acquisition d’équipements lourds pour les hôpitaux (Etat).

Malgré cette volonté affichée, les résultats ne suivent pas à cause des défaillances de certains candidats attributaires de ces différents marchés. C’est ce qui justifie l’introduction de ce critère dans la clause IC 5.1, pour permettre à l’autorité contractante de se prémunir de candidats aux performances discutables et tout ceci dans le respect des dispositions des articles 43 et 44 du Code des marchés publics.

Parmi les cas de défaillances, l’on peut citer :

-       l’hôpital régional de Saint Louis qui a suspendu tout son programme opératoire à cause du non-respect par un candidat des délais de livraison ; le bloc opératoire est fermé et tous les malades de la région sont aujourd’hui référés à Louga ou à Dakar avec toutes les charges supplémentaires induites ;

-       la maternité de l’hôpital de l’institut d’hygiène sociale qui est toujours en attente de ses équipements, à cause d’un retard de livraison de marchés notifiés depuis 2012 ; cette situation a un impact négatif sur la prise en charge de la santé de la mère et de l’enfant d’autant plus que, la maternité de référence de l’hôpital le Dantec est toujours en réhabilitation ;

-       le projet sur financement Belge dans les régions de Fatick, Kaolack, Thiès, Kaffrine et Diourbel a été négativement évalué à cause de la défaillance d’un attributaire qui a attendu plus de 6 mois pour déclarer ne pas être en mesure d’exécuter le marché ;

-       plusieurs marchés passés par le MSAS depuis plus de deux ans ne sont  toujours pas exécutés par certains titulaires, malgré l’application systématique des pénalités de retard aux fournisseurs défaillants.

Tous ces manquements font que le MSAS a perdu beaucoup de crédits et ne parvient pas à atteindre ses objectifs entraînant ainsi le non respect de ses engagements vis-à-vis des Partenaires Techniques et Financiers.

En rappel, le MSAS fait partie des ministères pilotes dans le cadre de la bonne gouvernance et de la gestion axée sur les résultats.

Par ailleurs, la mise en œuvre de la Couverture Maladie Universelle (CMU), doit être accompagnée par une disponibilité de l’offre.

A ce jour, la DIEM n’a enregistré qu’un seul recours, alors que sept (07) sociétés ont procédé à l’achat du DAO 15-14_Equip_Bloc opératoire et treize (13) à l’achat du DAO 16-14_Equip_SAU.

Elle précise que ce critère a été validé par la DCMP, qui a donné son avis de non objection sur le DAO concernant les équipements des Services d’Accueil d’Urgences des hôpitaux de Pikine, de Thiès et de l’hôpital Général de Grand Yoff (ANO n° 00988/MEF/DCMP/52 du 28 février 2014).

Concernant la société CERTEC, bien que ce critère ne lui étant pas exclusivement destiné, le MSAS a essayé de comprendre sa réaction vu ses antécédents dans l’exécution non effective des marchés dont il était attributaire notamment :

-       F0665/11 du 19 juillet 2011 concernant l’acquisition d’appareil de radiographie ;

-       F0685/11 du 20 juillet 2011 concernant l’acquisition de 4 scanners ;

-       F1350/11 du 17 novembre 2011 concernant des équipements d’imagerie médicale ;

-       F1351/11 du 17 novembre 2011 concernant l’acquisition d’équipement dentaire ;

-       F1538/12, F1539/12, F1540/12 du 16 Novembre 2012 concernant des équipements médico techniques destinés à l’IHS.

L’OBJET DU LITIGE

Il résulte de ce qui précède que le litige porte sur la possibilité pour l’autorité contractante d’écarter l’offre de soumissionnaires défaillants lors de l’exécution de marchés précédents.

EXAMEN DU LITIGE

Considérant qu’en vertu de l’article 35 du Code des marchés publics, la commission des marchés de l’autorité contractante a la compétence exclusive pour évaluer les offres des candidats, dans les conditions fixées aux articles 68 et suivants du Code;

Considérant que l’article 68 du Code des marchés publics dispose qu’avant de procéder à l’analyse, à l’évaluation et à la comparaison des offres, la commission des marchés compétente procède à un examen préliminaire, afin de déterminer si les candidatures sont recevables en application de l’article 43… ;

Que selon ce dernier, ne sont pas admises à prendre part aux marchés, entre autres :

d) les personnes physiques ou morales frappées d’une mesure temporaire ou définitive d’interdiction d’obtenir des commandes publiques résultant d’une décision du Comité de Règlement des Différends en vertu du Code des marchés publics, d’une décision de justice ou d’une disposition législative ;

e) les personnes physiques candidates et les dirigeants de personnes morales candidates ayant fait l’objet d’une condamnation pour une infraction pénale liée à leurs activités professionnelles ou consistant à des déclarations fausses ou fallacieuses quant aux qualifications exigées d’eux pour l’exécution du marché ;

Qu’il ressort de cette disposition qu’une exclusion à des commandes publiques constitue une sanction extérieure et préexistante à la conclusion d’un contrat et la compétence pour la prise de décision est uniquement partagée entre le juge saisi des infractions commises par un candidat, au CRD et à la loi ;

Considérant que, dans ces conditions, le Ministère de la Santé et de l’Action sociale ne saurait, sans violer les dispositions précitées et porter atteinte au principe de libre accès à la commande publique, ni introduire dans ses dossiers d’appel à la concurrence une clause excluant les candidats qui auraient été défaillants dans de précédents marchés ni rejeter, dans le cadre d’un l’appel d’offres, les soumissions des candidats sur cette base ;

Qu’en effet, de telles décisions entraîneraient la substitution au juge, au CRD et à la loi, seuls habilités à exclure du champ de la commande publique les candidats ou titulaires qui auraient commis des irrégularités ;

Considérant que, au demeurant, en cas d’inexécution de marchés par les titulaires, ces manquements peuvent être dénoncés par l’autorité contractante au CRD en vue du prononcé de sanctions, dont l’exclusion de la passation des marchés publics de nature à invalider la candidature à la commande publique ;

Qu’ainsi, si le Ministère de la Santé et de l’Action sociale entend faire exclure des candidats supposés défaillants de la participation à ses marchés, elle doit en saisir le CRD avec un dossier dûment constitué ;

Qu’il y a lieu d’ordonner la suppression de la clause litigieuse et, le recours ayant prospéré, la restitution de la consignation ;

PAR CES MOTIFS :

1) Constate que la clause IC 5.1 des DPAO du dossier d’appel à la concurrence pour la fourniture et l’installation d’équipement de bloc opératoire pour le Centre hospitalier régional de Ziguinchor stipule que tout candidat ayant un marché non exécuté au cours des trois dernières années jusqu’à la date de dépôt des offres sera écarté ;

2) Dit qu’au regard des dispositions du Code des marchés publics, notamment de l’article 43, le Ministère de la Santé et de l’Action sociale ne peut ni introduire dans ses dossiers d’appels à la concurrence une clause d’exclusion des candidats déclarés défaillants dans des marchés précédents, ni rejeter sur cette base les offres des candidats visés pour l’appel d’offres en cours.

3) Dit que l’exclusion des candidats de la commande publique est de la compétence du juge, du CRD et de la loi;

4) Ordonne, en conséquence, la suppression de la clause portant sur l’exclusion de tout candidat ayant un marché non exécuté au cours des trois dernières années jusqu’à la date de dépôt des offres;

5) Ordonne la restitution de la consignation;

6) Dit que le Directeur général de l’ARMP est chargé de notifier à l’entreprise CERTEC SA, au Ministère de la Santé et de l’Action sociale et à la Direction centrale des Marchés publics la présente décision qui sera publié sur le site officiel des marchés publics.

 

Le Président

Mademba GUEYE

Les membres du CRD

Samba  DIOP                                  Boubacar MAR                  Cheikhou SYLLA             

Le Directeur Général

Rapporteur

 Saër NIANG


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