DECISION N° 203/13/ARMP/CRD DU 24 JUILLET 2013

DECISION N° 203/13/ARMP/CRD DU 24 JUILLET 2013 DU COMITE DE REGLEMENT DES DIFFERENDS STATUANT EN COMMISSION LITIGES SUR LE RECOURS DE LEX INTERNATIONAL DEVELOPMENT AFRICA (LEXIDAF) CONTESTATANT L’ATTRIBUTION PROVISOIRE DU MARCHE  DU PROJET DE GOUVERNANCE ECONOMIQUE (PGE) AYANT POUR OBJET LA SELECTION D’UN CONSULTANT POUR L’ETUDE SUR LE MANAGEMENT DES JURIDICTIONS AU SENEGAL

LE COMITE DE REGLEMENT DES DIFFERENDS STATUANT EN COMMISSION LITIGES,

Vu le Code des Obligations de l’Administration modifié par la loi n° 2006-16 du 30 juin 2006 ;

Vu le décret n° 2011-1048 du 27 juillet 2011 portant Code des Marchés publics ;

Vu le décret n° 2007-546 du 25 avril 2007 portant organisation et fonctionnement de l'Autorité de Régulation des Marchés publics (ARMP) notamment en ses articles 20 et 21;

Vu la décision n° 0005/ARMP/CRMP portant règlement intérieur du Conseil de  Régulation des Marchés publics ;

Vu le recours de LEX- INTERNATIONAL DEVELOPMENT- AFRICA (LEXIDAF) en date du 08 juillet 2013, enregistré le lendemain au Secrétariat du Comité de Règlement des Différends (CRD) sous le numéro 319/13;

Monsieur René Pascal DIOUF entendu en son rapport ;

En présence de Monsieur Mademba GUEYE, Président chargé de l’intérim, de MM Babacar DIOP et  Mamadou WANE,  membres du Comité de Règlement des Différends (CRD) ;

De MM. Saër NIANG, Directeur général de l’ARMP, secrétaire rapporteur du CRD, René Pascal DIOUF, Coordonnateur de la Cellule d’enquête sur les procédures de passation et d’exécution des marchés publics et délégations de service public, Ousseynou CISSE, ingénieur, chargé d’enquête à la Cellule d’Enquêtes et d’Inspection, Ely Manel FALL, Chef de la Division Règlementation à la Direction de la Règlementation et des Affaires juridiques et Mesdames Takia Nafissatou FAL CARVALHO, Conseillère chargée de la Coordination et du Suivi et Khadijetou LY, chargée d’enquête à la Cellule d’Enquêtes et d’Inspection,  observateurs ;

Par lettre en date du 08 juillet 2013, enregistrée le lendemain au Secrétariat du Comité de Règlement des Différends, LEXIDAF a saisi le CRD en contestation de l’attribution provisoire du marché du PGE, ayant pour objet la sélection d’un consultant pour l’étude sur le management des juridictions au Sénégal.

LES FAITS

Après publication sur le site d’UNDB, le 11 juillet 2012 et le 11 novembre 2012, le PGE a fait publier dans le journal « Le Soleil »  du 08 novembre 2012 et du 01er décembre 2012, une sollicitation de manifestation d’intérêt pour le recrutement d’un cabinet de consultant, pour le renforcement de capacité en matière de management des juridictions.

Après évaluation des sept candidatures reçues, le PGE a établi une liste restreinte comprenant A2i-Conseils (Sénégal), Groupement B&S EUROPE/DCEG (Belgique), EURADIA International SL (Espagne), Groupement LEXIDAF/APG, Africa Label SA (Burkina) et Groupement ACAEXPERTISE/JCI (France).

Après transmission de la demande de propositions aux candidats, à l’issue de l’évaluation des propositions techniques, les cabinets ont obtenu les notes suivantes :

-       LEXIDAF/APG : 85/100 ;

-       Groupement ACAEXPERTISE/JCI : 77/100 ;

-       Africa Label Group : 74/100 ;

-       A2i-Conseils : 70/100 ;

-       Groupement B&S EUROPE/DCEG : 68/100 ;

-       EURADIA International SL : 66/100.

A l’ouverture des propositions financières, le 06 juin 2013, les quatre cabinets qualifiés ont offert les prix suivants :

-       Groupement ACAEXPERTISE/JCI : 83 738 541 FCFA ;

-       A2i-Conseils : 42 725 000 FCFA ;

-       Groupement LEXIDAF/APG : 172 350 000 FCFA ;

-       Africa Label Group : 36 305 625 FCFA.

Après évaluation des propositions financières et combinaison des notes techniques et financières, les candidats ont été classés comme suit :

-       Africa Label Group : 79,2

-       A2i-Conseils : 72,995

-       Groupement LEXIDAF/APG : 72,213

-       Groupement ACAEXPERTISE/JCI : 70,271.

Par courrier électronique du 04 juillet 2013, le PGE a notifié à LEXIDAF le rejet de son offre et l’attribution provisoire du marché à Africa Label Group.

Au vu de cette notification, LEXIDAF a, le 09 juillet 2013 saisi d’un recours contentieux le CRD qui, par décision n° 169 du 10 juillet 2013, a ordonné la suspension de la procédure.

Par lettre en date du 16 juillet 2013 reçue le lendemain, le PGE a transmis les pièces de la procédure aux fins d’instruction.

LES MOTIFS DONNES A L’APPUI DU RECOURS

A l’appui de son recours, après rappel des péripéties de la passation du marché, LEXIDAF estime que l’offre de l’attributaire Africa Label Group est anormalement basse et ne lui permettra pas de réaliser les prestations, au regard des termes de référence qui s’articulent autour de trois exigences, à savoir l’exigence d’experts seniors ayant une expertise pointue en la matière, des activités de « benchmarking » au niveau international dans quatre pays et des activités intenses au niveau national.

Sur le premier point, LEXIDAF expose qu’au regard de l’importance de la mission, une expertise pointue, notamment dans les domaines transversaux de la planification stratégique, de l’organisation et de la formation, est requise, eu égard surtout au fait que l’introduction d’un outil de management des juridictions constituera la plus grande innovation qualitative dans le système judiciaire sénégalais.

Or l’exigence d’experts séniors induit des coûts et à titre d’illustration, le requérant cite le cas de son chef de mission qui, il y a dix ans percevait des honoraires de 603 dollars US/jour.

Ainsi, deux mois de consultation équivalant à 42 jours de travail rémunérés, trois experts séniors étant payés au même tarif, la contrevaleur est de 35 640 000 FCFA.

S’agissant des activités de « benchmarking », le requérant soutient que, dans les TDR, il est expressément requis « de procéder à une comparaison internationale avec quatre pays (Afrique et hors Afrique) des formations et curriculum, des niveaux de réalisation des formations et d’atteinte des objectifs et des résultats obtenus en mettant en évidence les avantages et inconvénients des choix effectués par les pays ».

En conséquence, au regard de l’exigence de visiter quatre pays, de la prise en charge de trois consultants séniors pour un séjour de quatre jours minimum par pays, sur la base du coût du titre de voyage en classe économique pour un montant de 750 000 FCFA, le coût du « benchmarking » devrait être fixé à 18 450 000 FCFA dont 9 000 000 FCFA pour le prix des billets et 9 450 000 FCFA pour les per diem (150 000 FCFA X 3 consultants X 21 jours).

Enfin, après avoir rappelé in extenso les tâches attendues du consultant selon les TDR, LEXIDAF soutient que l’exécution desdites activités requière non seulement une bonne connaissance des techniques de management des juridictions, mais aussi et surtout une parfaite maîtrise de l’environnement judiciaire et économique sénégalais, pour être en mesure d’exécuter cette mission dans les délais requis (deux mois).

Toutefois, le requérant estime qu’il est matériellement impossible de réaliser au niveau national, même pour un consultant bien averti, l’ensemble des activités prévues dans les TDR.

Aussi a-t-il, dans sa proposition technique, suggéré que le délai d’exécution de la mission soit rallongé de 15 jours.

En outre, l’exécution de la mission nécessite des frais incompressibles, à savoir des frais d’hébergement et de logistique (transport) qu’il fixe respectivement à 1 200 000 FCFA (10 000 FCFA/Jour x 40 jours x 03 consultants) et à 800 000 FCFA (20 000 FCFA/jour x 40 jours), soit au total 2 000 000 FCFA.

En conclusion, il soutient que l’offre financière la plus basse pour l’exécution d’une telle mission ne pourrait être inférieure à 56 090 000 FCFA, montant auquel il faut ajouter les frais administratifs équivalant pour les missions financées par la Banque Mondiale à 7% du budget.

Au total, le requérant estime qu’au regard des exigences des TDR, il n’est techniquement pas possible d’exécuter une mission d’une telle ampleur avec une offre de 36 000 000 FCFA, sauf à pratiquer un véritable dumping, et sollicite, en conséquence, de dire que l’offre de l’attributaire et celle de son suivant sont anormalement basses et de déclarer l’attribution provisoire non fondée.

LES MOTIFS DONNES PAR L’AUTORITE  CONTRACTANTE

En réponse aux arguments du requérant, le PGE fait observer que pour l’étude, il n’est pas question de financer des voyages d’études à l’étranger pour faire du « benchmarking », puisque le cabinet à retenir est censé avoir déjà capitalisé des expériences dans d’autres pays. C’est pourquoi, dans la rubrique « Méthodologie » des TDR, il a été détaillé de manière précise, les différentes étapes de la mission avec les juridictions à visiter et les autorités à rencontrer. Or cette méthodologie ne fait mention d’aucun voyage d’étude.

Par ailleurs, le PGE fait observer que l’ensemble de la procédure a été faite sous la supervision de l’Inspection Générale de l’Administration de la Justice (IGAJ), service suffisamment au fait du management des juridictions sénégalaises pour juger du caractère raisonnable de la proposition financière du cabinet attributaire.

Au surplus, le tableau suivant permet de constater la différence des prix HT/HD proposés par les différents candidats :

Cabinets en lice

Notes techniques

Propositions financières

Nationalité

ACAEXPERTISE/Jci

77/100

83 738 541,680

France

A2i-Conseils

70/100

42 725 000

Sénégal

Lexidaf/APG

85/100

172 350 000

Sénégal

Africa Label Group

74/100

36 305 625

Burkina Faso

Enfin, l’autorité contractante argue que la méthode de sélection utilisée étant basée sur la qualité technique et le coût avec des coefficients de pondération de 80 % pour les propositions techniques et de 20% pour les propositions financières, la commission des marchés a procédé à la pondération qui a abouti à l’attribution du marché au cabinet Africa Label Group pour le montant de 42 808 125 FCFA TTC.

D’après le PGE, ce montant est d’autant plus raisonnable que le projet de marché a été estimé à 45 000 000 FCFA TTC dans le plan de passation des marchés.

OBJET DU LITIGE

Il résulte de ce qui précède que le litige porte sur le caractère anormalement bas des propositions financières des candidats Africa Label Group et A2i- Conseils.

EXAMEN DU LITIGE

Considérant que sur le moyen relatif au coût des experts seniors, il y a lieu de relever que, pour le personnel clef, Africa Label Group a proposé un chef de mission de nationalité française, un expert en planification stratégique, de nationalité nigériane, et un expert en organisation de nationalité française ;

Qu’au titre de la rémunération des activités 1 & 2 (réunion de briefing, rencontre collégiale, puis entretien individuels avec le personnel de la Chancellerie), 3 (proposition d’une feuille de route. Visite des juridictions déconcentrées), 4 (rédaction de l’aide-mémoire et présentation en séance de débriefing) 5 & 6 (rédaction du rapport provisoire et du rapport définitif), il a été prévu respectivement des honoraires journaliers de 455 000, 300 000 et 370 000 pour chacun des experts précités;

Que comparés aux honoraires des experts proposés par A2i-Conseils (300 000, 250 000 et 200 000), les autres candidats n’ayant pas précisé les honoraires des experts, et au barème de la Banque Mondiale qui n’est qu’indicatif, les honoraires proposés par l’attributaire provisoire n’ont pas été minorés ;

Qu’au demeurant la ventilation de la rémunération est conforme au plan de travail décrit dans la proposition technique ;

Qu’il y a lieu de rejeter l’argument du requérant sur ce point ;

Considérant que sur le second moyen relatif au « benchmarking », il est stipulé dans les TDR qu’une des tâches du consultant consistera à « procéder à une comparaison internationale avec quatre pays (Afrique et hors Afrique) des formations et curriculum, des niveaux de réalisation des formations et d’atteinte des objectifs et des résultats obtenus en mettant en évidence les avantages et inconvénients des choix effectués par les pays » ;

Que le requérant en a inféré une obligation pour chacun des candidats de visiter quatre pays et d’en inclure les coûts dans la proposition financière, comme s’y est astreint le requérant en estimant cette activité à 147 750 000 FCFA ;

Que, toutefois, cette activité n’est qu’une des nombreuses autres mises à la charge des consultants, alors même que les TDR n’ont fait aucune obligation aux candidats de procéder à des visites dans des pays, mais exige simplement une comparaison avec d’autres systèmes judiciaires ayant expérimenté le management des juridictions, le moyen d’y procéder étant laissé à la responsabilité des consultants ;

Qu’ainsi, le second moyen doit être rejeté ;

Considérant que de façon plus décisive, il y a lieu de faire observer que le mode de sélection adopté par le PGE est fondé sur la qualité technique et le coût avec une pondération de 80% pour la proposition technique et de 20% pour l’offre financière, d’où il résulte que pour cette étude, l’aspect technique prime ;

Que pour ce mode de sélection, les directives de la Banque Mondiale pour l’emploi et la sélection de consultants font obligation à l‘autorité contractante d’estimer les coûts (budget) ;

Que le PGE a respecté cette obligation puisqu’il renseigne que le montant estimé du marché est de 45 000 000 FCFA TTC, montant largement dépassé par la proposition financière du requérant arrêté à 172 350 000 FCFA, soit plus que l’ensemble des propositions financières des autres candidats réunies;

Considérant surtout que, dans la demande de propositions, il a été annexé un projet de contrat d’où il résulte qu’il s’agit d’un contrat à rémunération forfaitaire pour lequel les paiements sont liés aux prestations fournies, comme les rapports ;

Que ce type de marché doit inclure un prix fixe pour les activités à réaliser par le consultant et ne doit être sujet à aucune autre révision de prix, sauf, de façon exceptionnelle, le cas où les services sont étendus au-delà de ce qui était prévu dans les TDR initiaux et dans le marché;

Qu’ainsi, Africa Label Group ayant décliné un plan de travail, il s’est engagé sur toutes les activités au prix indiqué ;

Qu’en conséquence, il y a lieu de rejeter le recours de LEXIDAF comme mal fondé ;

PAR CES MOTIFS :

1)Dit que les griefs relevés par LEXIDAF sont mal fondés ;

 2)Constate que la sélection est fondée sur la qualité technique et le coût, avec prééminence de la qualité;

 3)Constate que leà signer est à rémunération forfaitaire ;

 4)Dit que sur cette base, Africa Label Group s’est engagé à exécuter toutes les activités au prix qu’il a proposé ;

 5)Rejette le recours de LEXIDAF comme mal fondé ;

 6)Ordonne la continuation de la procé;

 7)Dit que le Directeur général de l’ARMP est chargé de notifier à LEXIDAF, au Projet de Gouvernance Economique, ainsi qu’à la DCMP, la présente décision qui sera publiée.

Le Président chargé de l’intérim

Mademba GUEYE

Les membres du CRD

Babacar DIOP                                                                              

Mamadou WANE              

Le Directeur Général

Rapporteur

Saër NIANG


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