DECISION N° 11/12/ARMP/CRD DU 26 JANVIER 2012
DECISION N° 11/12/ARMP/CRD DU 26 JANVIER 2012 DU COMITE DE REGLEMENT DES DIFFERENDS STATUANT EN FORMATION DISCIPLINAIRE SUR DES FAITS REPROCHES A L’ENTREPRISE SENEGALAISE DE PROMOTION IMMOBILIERE ET DE SERVICES (SPIS) RELATIFS A LA PRODUCTION DE FAUSSES ATTESTATIONS DE BONNE EXECUTION DANS LE CADRE DE L’APPEL D’OFFRES DE L’AGENCE D’EXECUTION DES TRAVAUX D’INTERET PUBLIC (AGETIP) AYANT POUR OBJET LA CONSTRUCTION DE VOIRIES, D’OUVRAGES DE FRANCHISSEMENT ET DES TRAVAUX CONFORTATIFS DE LA GARE ROUTIERE DE KOTHIARY DANS LA COMMUNE DE TAMBACOUNDA
LE COMITE DE REGLEMENT DES DIFFERENDS STATUANT EN COMMISSION LITIGES,
Vu le Code des Obligations de l’Administration modifié par la loi n° 2006-16 du 30 juin 2006, notamment en son article 30 ;
Vu le décret n°2011-1048 du 27 juillet 2011 portant Code des Marchés publics modifié, notamment en ses articles 147 et 148 ;
Vu le décret n° 2007-546 du 25 avril 2007 portant organisation et fonctionnement de l'Autorité de Régulation des Marchés publics (ARMP);
Vu la décision n° 0005/ARMP/CRMP du 19 mai 2008 portant règlement intérieur du Conseil de Régulation des Marchés publics ;
Vu la lettre de l’AGETIP en date du 07 septembre 20 11 ;
Après avoir entendu le rapport de M. René Pascal DIOUF, Chargé des enquêtes, rapporteur;
En présence de Monsieur Abdoulaye SYLLA, Président, assisté de MM. Abd El Kader NDIAYE, Ndiacé DIOP et Mamadou DEME, membres du Comité de Règlement des Différends,
De MM. Saër NIANG, Directeur général de l’ARMP, secrétaire rapporteur du CRD, Mme Takia FALL CARVALHO, Conseillère chargée de la Coordination et du Suivi, Cheikh Saad Bou SAMBE, Directeur de la Réglementation et des Affaires juridiques, Ely Manel FALL, Chef de la division réglementation, Direction de la Réglementation et des Affaires juridiques, et Ababacar DIOUF, Chargé des enquêtes sur les procédures de passation et d’exécution des marchés publics et délégations de service public, observateurs ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Adopte la présente délibération fondée sur la régularité de la saisine, les faits et moyens exposés ci après :
Par lettre référencée TEC/2498/11 du 07 septembre 2011, enregistrée le 13 septembre 2011 sous le numéro 942 au Secrétariat du Comité de Règlement des Différends, le Directeur général de l’AGETIP a saisi le CRD d’une dénonciation relative à la production par l’entreprise SPIS de fausses attestation de bonne exécution de travaux, dans le cadre de l’appel d’offre dont objet rappelé ci-dessus.
SUR LA COMPETENCE ET LA RECEVABILITE
Considérant qu’aux termes de l’article 20 du décret n°2007-546 du 25 avril 2007portant organisation et fonctionnement de l’ARMP, le CRD peut recevoir les dénonciations des irrégularités constatées avant, pendant et après la passation ou l’exécution des marchés publics et délégations de service public ;
Que si ces faits caractérisent des violations de la règlementation relative à l’exécution des marchés publics, le Président du CRD saisit le CRD en formation disciplinaire ;
Qu’en application de cette disposition, le Président du CRD a régulièrement saisi la Formation disciplinaire des faits dénoncés par l’AGETIP ;
SUR LES FAITS
Dans le journal « Le Soleil » des 11, 12 et 13 juin 2011, l’AGETIP a fait publier un avis d’appel d’offres ayant pour objet des travaux de construction de voiries, d’ouvrages de franchissement et travaux confortatifs de la gare routière de Kothiary dans la commune de Tambacounda, dans le cadre du Programme de Renforcement et d’Equipement des Collectivités Locales (PRECOL).
A l’ouverture des plis du 26 juillet 2011, les entreprises Consortium 19, Henan Chine, CDE, SPIS et Senthras ont présenté des offres pour les montants respectifs de 1 070 597 629 FCFA HT, 1 281 044 322 FCFA HT, 2 029 100 317 FCFA HTHD, 1 061 659 363 FCFA HTHD et 1 338 363 825 FCFA HT.
Toutefois, au cours de l’évaluation, après investigation de la commission des marchés de l’AGETIP, il s’est avéré que les attestations de travaux similaires fournies par le candidat SPIS ne sont pas authentiques.
Mis au courant de cette situation, le Directeur Général de l’AGETIP a saisi d’une dénonciation le Président du CRD qui a, à son tour, a saisi l’organe de règlement des différends siégeant en commission disciplinaire.
AU FOND
1- Sur les faits reprochés à SPIS
Considérant qu’il est constant comme résultant de son offre que SPIS a produit les attestations de travaux suivants :
- Attestation du 14 janvier 2009 pour des travaux de construction et réparation d’ouvrages dans les régions de Fatick et Kaolack (marché n° TA3/061/ATR pour un montant de F CFA 1 785 548 800 FCFA),
- Attestation du 14 juillet 2009 pour des travaux d’entretien courant de la route en terre Kaffrine-Nganda (Marché n° TA3/060/ATR),
- Attestation du 26 septembre 2010 pour des travaux de routes sur le réseau routier de Malam Hoddar (Marché n° TA1/171/ATR) ;
Considérant qu’il est tout aussi constant que, sur interpellation de l’AGETIP, Monsieur Lamine NDIAYE, chef d’Antenne de Fatick de l’Agence de Gestion des Routes (AGEROUTE), ex AATR, a apporté la réponse suivante : «cette attestation est absolument fausse et l’auteur de ce document doit être poursuivi et dénoncé aux autorités comme la DCMP et l’ARMP pour servir d’exemple dans l’avenir. En ce qui me concerne, mes autorités seront saisies pour nécessaire. L’Antenne Régionale ne connaît pas et n’a jamais exécuté de contrat avec cette entreprise. Les entêtes sont de Kaolack et les cachets aussi. Il s’agit manifestement de fraudes qu’il faut dénoncer avec toute la rigueur requise et larges diffusions » ;
Considérant que l’instruction a révélé que la société SPIS a produit, en outre, trois (3) autres attestations de bonne exécution du 27 décembre 2007, du 22 avril 2008 et du 12 mai 2011 portant l’entête de Générale d’Entreprise (GE) concernant les travaux de construction de I’immeuble Thiandoum (758 900 000 FCFA TTC), les travaux de construction et de voirie de l’immeuble Abdoulaye DIA (985 155 708 FCFA TTC) et les travaux de construction et d’assainissement de Water Front (Gros œuvres et parking pour un montant de 1 457 819 000 FCFA TTC) ;
Considérant qu’au vu de la lettre de demande de confirmation du Président du CRD, le Directeur Général de Générale d’Entreprises, dans sa correspondance du 05 décembre 2011 référencée MMF/LGE2011 N° 0954/DG, a affirmé que lesdites attestations sont fausses, en faisant les précisions suivantes :
- Pour Waterfront, les travaux d’assainissement sont en cours et sont en train d’être réalisés par GE;
- Pour l’immeuble Abdoulaye Dia, GE n’a jamais eu à réaliser des travaux de voirie ;
- L’immeuble Thiandoum n’existe pas dans les livres de GE ;
Qu’ainsi, au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que la société SPIS a violé les règles de passation des marchés publics en fournissant délibérément dans son offre de fausses pièces, fait prévu et puni par les articles 147,d et 148 du Code des Marchés Publics ;
SUR LA SANCTION
Considérant que l’article 148 du Code des Marchés Publics prévoit, au titre des sanctions pouvant être prononcées contre les candidats coupables de violation des règles de passation des marchés publics , la confiscation des garanties constituées par le contrevenant et l’exclusion du droit de concourir pour l’obtention de marchés publics, délégations de service public et contrats de partenariat pour une durée déterminée en fonction de la gravité de la faute commise ;
Qu’ainsi, la nature et la durée de la sanction encourue dépendent des circonstances propres à chaque affaire ;
Considérant qu’en l’espèce, la production par SPIS de fausses attestations n’est que la manifestation d’une volonté de fraude affirmée ;
Qu’en effet, un soin particulier a été pris aux fins de dissimuler l’auteur de la fraude, eu égard au fait qu’aucune personne physique ne transparaît dans les pièces qui ont été déposées par le candidat ;
Qu’il est au demeurant notable que la soumission et les différentes pièces produites sont signées par Monsieur Oussoumane Diallo présenté comme le Directeur général adjoint, ou par la Direction générale, et que le seul numéro de téléphone mentionné dans l’offre est hors service, toutes choses qui pourraient faire penser que la SPIS est une société fictive ;
Considérant par ailleurs que les agissements de la SPIS sont de nature à porter atteinte aux objectifs de la réforme des marchés publics et aux principes de transparence, d’égalité des candidats et de libre accès à la commande publique ;
Considérant surtout que les pratiques de SPIS risquaient de compromettre la satisfaction des besoins de l’autorité contractante et d’obvier l’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics ;
Qu’en effet, seule la vigilance de la commission des marchés de l’AGETIP a permis d’écarter l’offre de SPIS moins disante, alors que l’entreprise ne justifie d’aucun savoir-faire.
Qu’en raison de ces circonstances, il y a lieu de prononcer l’exclusion de la SPIS des marchés publics, délégations de service public et contrats de partenariat pour une durée de dix (10) ans, en application de l’article 148 du Code des Marchés Publics ;
en conséquence,
DECIDE
1) Reçoit le Président du CRD en sa saisine,
2) Constate que dans le cadre de la passation du marché de l’AGETIP ayant pour objet des travaux de construction de voiries, d’ouvrages de franchissement et travaux confortatifs de la gare routière de Kothiary dans la commune de Tambacounda, la société SPIS a produit de fausses attestations de bonne exécution de travaux similaires,
3) Dit qu’ainsi, SPIS a violé les règles de passation des marchés publics et commis des faits présumés de faux, usage de faux et tentative d’escroquerie sur les deniers publics ;
4) Prononce, en application de l’article 148 du Code des Marchés Publics, l’exclusion de SPIS des marchés publics, des délégations de service public et contrats de partenariat pour une durée de dix (10) ans ;
5) Ordonne au Directeur général de l’ARMP de saisir l’autorité judiciaire compétente des infractions présumées de faux, usage de faux et de tentative d’escroquerie aux deniers publics contre SPIS et contre la personne de son dirigeant légal ;
6) Dit que la présente décision prend effet à compter de sa notification à la dernière adresse connue de SPIS, ou, à compter de la date de sa publication ;
7) Dit que le Directeur Général de l’ARMP est chargé de notifier à la SPIS, à l’AGETIP et à la DCMP la présente décision qui sera publiée.
Le Comité de Règlement des Différends (CRD)
Président
Abdoulaye SYLLA
Membre du CRD Membre du CRD
Abd’El Kader NDIAYE Mamadou DEME
Membre du CRD
Ndiacé DIOP
Directeur général / Rapporteur
Saër NIANG
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