DECISION N° 031/12/ARMP/CRD DU 21 MARS 2012

DECISION N° 031/12/ARMP/CRD DU 21 MARS 2012 DU COMITE DE REGLEMENT DES DIFFERENDS STATUANT EN COMMISSION LITIGES SUR LE RECOURS DU CABINET D’ARCHITECTURE MEDOUNE NIASSE CONTESTANT LA DECISON D’ATTRIBUTION DU MARCHE RELATIF A LA SELECTION D’UN MAITRE D’ŒUVRE POUR LA REALISATION DU PROJET DE CONSTRUCTION DU LYCEE HQE DE MBOUMBA, LANCE PAR LE CONSEIL REGIONAL DE SAINT-LOUIS.

LE COMITE DE REGLEMENT DES DIFFERENDS STATUANT EN COMMISSION LITIGES,

Vu l’article 30 du Code des Obligations de l’Administration modifié par la loi n°2006-16 du 30 juin 2006 ;

Vu le décret n° 2011-1048 du 27 juillet 2011 portan t Code des marchés publics ;

Vu le décret n° 2007-546 du 25 avril 2007 portant o rganisation et fonctionnement de l'Autorité de Régulation des Marchés publics, modifié ;

Vu la décision n° 0005/ARMP/CRMP du 19 mai 2008 por tant règlement intérieur du Conseil de Régulation des Marchés publics ;

Vu le recours du Cabinet d’Architecture Médoune NIASSE en date du 25 février 2012, enregistré le 28 février 2012 sous le numéro 200/12 au Secrétariat du Comité de Règlement des Différends (CRD) ;

Après avoir entendu le rapport de M. Cheikh Saad Bou SAMBE, Directeur de la Réglementation et des Affaires juridiques, rapporteur présentant les moyens et les conclusions des parties,

En présence de Monsieur Abdoulaye SYLLA, Président, de MM Abd’El Kader NDIAYE, Mamadou DEME et Ndiacé DIOP, membres du Comité de Règlement des Différends (CRD) ;

De M. Saër NIANG, Directeur Général de l’ARMP, secrétaire rapporteur du CRD, Mme Takia Nafissatou FALL CARVALHO, Conseillère chargée de la Coordination et du Suivi, MM. René Pascal DIOUF, Coordonateur de la Cellule d’enquête sur les procédures de passation et d’exécution des marchés publics et délégations de service public, Ely Manel FALL, Chef de la division réglementation à la Direction de la réglementation et des affaires juridiques, observateurs ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Adopte la présente délibération fondée sur la régularité du recours :

Par lettre en date du 25 février 2012, enregistrée le 28 février 2012 sous le numéro 200/12 au Secrétariat du Comité de Règlement des Différends (CRD), le Cabinet d’Architecture Médoune Niasse a saisi le CRD d’un recours pour contester l’attribution provisoire du marché relatif à la sélection d’un maître d’œuvre pour la réalisation du projet de construction du lycée HQE de Mboumba.

LES FAITS

Dans le cadre des accords de coopération qu’il a signés avec la Région Nord-Pas de Calais de France, le Conseil Régional de Saint-Louis a obtenu un financement de deux millions d’euros pour la construction d’un lycée HQE à Mboumba, dont une partie est réservée à la sélection d’un maître d’oeuvre chargé de la supervision desdits travaux.

A cette fin, le Conseil Régional de Saint-Louis, après avoir lancé un avis à manifestation d’intérêt paru dans le journal “L’Observateur” du 13 septembre 2011, a invité quatre cabinets à soumettre une offre technique et financière par lettre datée du 27 octobre 2011.

A l’ouverture des plis du 1er décembre 2011, seuls les cabinets CAMN et OSCARE Afrique ont présenté une offre.

Après évaluation des propositions reçues, l’autorité contractante a informé les deux candidats de la décision d’attribution provisoire du marché, par courrier électronique du 22 février 2012, après avis favorable de la DCMP reçu par lettre datée du 21 février 2012.

Par courrier électronique du 22 février 2012, le requérant a demandé la transmission de sa note technique et celle des autres candidats à l’autorité contractante qui, en retour, a opposé un refus catégorique.

Par lettre en date du 25 février 2012, le CAMN a saisi le CRD d’un recours contentieux.

Par décision n° 021/12/ARMP/CRD du 1 er mars 2012, le CRD a prononcé la suspension de la procédure.

SUR LES MOYENS DEVELOPPES A L’APPUI DU RECOURS

A l’appui de son recours, le CAMN déclare, d’une part, qu’il n’a pas été informé du rejet de son offre technique, ce qui ne lui a pas permis d’exercer son droit de recours.

Ensuite, l’autorité contractante a refusé de lui communiquer ses notes techniques, prétexant du caractère confidentiel de l’évaluation des propositions.

Par conséquent, il conteste la décision d’attribution provisoire du marché litigieux et sollicite l’arbitrage du CRD.

SUR LES MOTIFS DONNES PAR LE CONSEIL REGIONAL DE SAINT-LOUIS

Le Conseil Régional de Saint-Louis confirme que par lettre du 23 février 2012, Monsieur Médoune Niasse, représentant du CAMN, a demandé qu’on lui fasse parvenir « les notes financières attribuées aux cabinets », après la publication de l’avis d’attribution provisoire du marché.

En réponse, le Conseil Régional de Saint-Louis lui a fait savoir « que les notes financières contenues dans les rapports techniques et les procès verbaux d’attribution étaient des documents confidentiels ».

Par ailleurs, l’autorité contractante soutient que le requérant n’a pas introduit un recours gracieux, en violation des dispositions combinées des articles 88 et 89 du Code des marchés publics.

Elle conclut en déclarant que l’offre du requérant a été rejetée pour avoir, d’une part, proposé dans sa lettre de soumission, une durée de validité de soixante (60) jours qui ne correspond pas à celle de quatre vingt dix (90) jours requise dans la Demande de propositions et, d’autre part, pour avoir soumis une offre sous évaluée au vu « de la complexité et la durée des travaux fixée à quinze (15) mois.

SUR L’OBJET DU LITIGE

Il résulte des faits, motifs et constatations faites par les parties que le litige porte sur :

1) l’obligation ou non, pour le requérant, d’introduire un recours gracieux avant la saisine du CRD ; 
2) la validité des motifs de rejet de l’offre du requérant ;
3) le refus de l’autorité contractante de publier les résultats de l’évaluation des offres techniques.

L’EXAMEN DU LITIGE

1) Sur l’obligation ou non, pour le requérant, d’introduire un recours gracieux avant la saisine du CRD :

Considérant que l’autorité contractante reproche au requérant d’avoir saisi directement le CRD d’un recours, alors qu’il résulte des dispositions des articles 88 et 89 du Code des marchés publics, qu’un recours préalable est obligatoire ;

Considérant que le recours gracieux tout comme le recours hiérarchique relève de la procédure administrative non contentieuse ;

Considérant que, si le recours administratif peut être un préalable au recours juridictionnel, il n’est pas obligatoire, sauf si u n texte a institué une procédure administrative particulière où le recours préalable doit être exercé sous peine d’irrecevabilité d’une saisine ultérieure du juge ;

Considérant que le recours prévu à l’article 88 du décret n°2011-1048 du 27 juillet 2011 portant Code des marchés publics n’est ni institué, ni exercé sous peine d’irrecevabilité d’une saisine ultérieure du juge ; qu’il est une faculté donnée à tout candidat à une procédure de passation de marchés publics de saisir la personne responsable du marché ;

Considérant que, par contre, le recours non juridictionnel prévu devant le CRD est un recours préalable à la saisine du juge de l’excès de pouvoir qui étend ainsi ses compétences aux actes qui ne sont pas détachables du marché ;

Qu’au surplus, le Code des marchés publics ne sanctionne pas de déchéance la requête d’un candidat dont le recours devant le CRD n’a pas été précédé d’une saisine préalable, à titre gracieux, de l’autorité contractante ;

Considérant, au demeurant, que la suspension du marché constitue une décision avant- dire droit qui n’est pas susceptible d’un recours juridictionnel;

Qu’ainsi, la saisine du CRD par un candidat n’est soumise à aucun recours administratif préalable obligatoire au regard des dispositions susvisées.

2) Sur la validité des motifs de rejet de l’offre du requérant :

2.1) Sur le non respect, par le requérant, de la durée de validité des offres :

Considérant que selon les dispositions de l’article 68 du Code des Marchés publics, « avant de procéder à l'analyse, à l'évaluation et à la comparaison des offres, la commission des marchés compétente procède à un examen préliminaire, afin de déterminer si les candidatures sont recevables en application de l'article 43 et sont accompagnées des pièces mentionnées à l’article 44, et rejette les offres non recevables.

La commission détermine ensuite si les offres sont conformes aux conditions et spécifications des cahiers des charges. » ;

Considérant qu’il est prévu à la clause 6 des Instructions aux candidats, que les Données particulières fixent la durée pendant laquelle la proposition des candidats doit rester valable ;

Qu’en application de cette disposition, la clause 6 des Données particulières prévoit que « la Proposition doit rester valable pendant 90 jours après la date de soumission, soit jusqu’au 1er mars 2012 ;

Considérant qu’il ressort des deux lettres de soumission présentées par le requérant, notamment la lettre de soumission de la proposition technique et celle de la proposition financière, que la date limite de validité de son offre est fixée au 29 janvier 2011 ;

Considérant qu’outre l’erreur matérielle commise par le requérant sur ses deux lettres de soumission, mentionnant l’année 2011 en lieu et place de 2012, il est à relever que la durée de validité de 90 jours requise n‘a pas été respectée ;

Que de ce fait, la commission des marchés aurait dû rejeter ladite offre après évaluation de la proposition technique au lieu de la déclarer conforme lors de cette première phase, pour ensuite, relever cette divergence après l’ouverture des offres financières ;

2.2) Sur le caractère sous évalué de l’offre du requérant :

Considérant que la commission des marchés a estimé, dans le rapport d’évaluation des offres financières, que les coûts proposés par le CAMN étaient sous évalués au vu :

- de la durée des travaux fixée à quinze mois ;
- de la pratique des cabinets d’architecture, dont le montant de leur prestation varie souvent entre 7 et 9% du coût des travaux, alors que son offre est de 4% du coût prévisionnel des travaux qui s’élèvent à 1 200 000 000 francs CFA ; 
- de la complexité de la mission qui s’inscrit dans une démarche HQE (ou éco construction), démarche toute nouvelle par rapport à la construction, à l’aménagement et à la gestion des édifices » ;

Considérant que selon l’article 59.4 du Code des marchés publics, la commission des marchés compétente peut rejeter, par décision motivée, une offre qu'elle juge anormalement basse, si elle détermine que son montant ne correspond pas à une réalité économique par rapport à la prestation offerte, après avoir demandé au candidat toutes précisions utiles concernant en particulier les sous détails des prix.

Le candidat peut justifier son prix notamment du fait :

- de l'économie résultant des solutions ou procédés techniques adoptés ;
- des conditions exceptionnellement favorables dont dispose le candidat pour exécuter les travaux ou pour fournir les produits ou les services ; 
- de la nécessité d’utiliser des ressources qui, sinon, resteraient inactives ;

Considérant que la commission des marchés n’a pas satisfait à cette exigence ;

Que dès lors, le motif de rejet n’est pas fondé ;

3) Sur le refus de l’autorité contractante, de communiquer les résultats de l’évaluation des offres techniques :

Considérant que selon les dispositions de l’article 87 du Code des marchés publics, la personne responsable du marché communique par écrit, dans un délai de cinq (5) jours ouvrables à compter de la réception d'une demande écrite, à tout candidat écarté, les motifs du rejet de sa candidature ou de son offre ;

Considérant que le Conseil Régional de Saint-Louis s’est fondé, à tort, sur les dispositions de l’article 87 alinéa 3, du Code des marchés publics qui interdit à la personne responsable du marché de communiquer, à un candidat, des renseignements dont la divulgation serait contraire à la loi ou porterait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes d’autres candidats en révélant des informations non publiques sur leur situation financière ou juridique ou sur leur méthode de fabrication ou de gestion ;

Qu’en effet, cette obligation de communication des notes techniques aux candidats à l’issue de l’évaluation des offres techniques est consacrée par la clause 17 des Instructions aux candidats du dossier d’appel d’offres pour tous les candidats, qu’ils aient obtenu la note minimale requise ou pas ;

Que par ailleurs, la communication des notes techniques des deux candidats est également une exigence à laquelle la commission des marchés doit se soumettre lors de l’ouverture des offres financières, au cas où ils ont obtenu la note technique minimale requise si l’on se réfère à la clause 17 des Instructions aux candidats du dossier d’appel d’offres ;

Que toutefois, il a été constaté le défaut d’invitation des candidats retenus à assister à l’ouverture des propositions financières alors que leurs propositions ont été déclarées conformes techniquement, puisqu’ayant obtenu la note minimale exigée ;

Qu’à cet égard, en refusant de communiquer les notes techniques et financières au requérant tout en omettant de tenir informés les candidats de l’ouverture publique des offres financières, l’autorité contractante a violé les dispositions de l’article 24 du Code des obligations de l’Administration qui prévoient que le non respect des formalités de publicité prescrites et la violation du principe d’égalité de traitement des candidats aux commandes publiques par les acheteurs publics entraine la nullité de la procédure de passation ou du marché passé ;

Qu’il y a lieu par conséquent d’annuler la décision d’attribution du marché llitigieux.

DECIDE

1) Constate que le Code des Marchés publics n’a pas fait du recours gracieux préalable une exigence sous peine d’irrecevabilité du recours juridictionnel ;

2) Constate que la période de validité inscrite par le requérant, aussi bien dans son offre technique que dans son offre financière, n’est pas conforme aux exigences de la Demande de propositions ; par conséquent,

3) Dit que la commission des marchés devait rejeter ladite proposition à l’issue de l’évaluation technique des offres ;

4) Dit que la décision de la commission des marchés jugeant l’offre financière du requérant anormalement basse, est mal fondée ;

5) Dit que l’obligation de communiquer les notes techniques aux candidats à l’issue de l’évaluation des offres techniques est consacrée par la clause 17 des Instructions aux candidats ;

6) Dit qu’en refusant de communiquer les notes techniques et financières au requérant tout en omettant de tenir informé les candidats de l’ouverture publique des offres financières, l’autorité contractante a violé les dispositions de l’article 24 du Code des obligations de l’Administration ; à cet égard,

7) Dit que le non respect des formalités de publicité prescrites entraine la nullité de la procédure de passation du marché ;

8) Annule la procédure de passation ;

9) Dit que le Directeur général de l’ARMP est chargé de notifier au Cabinet d’Architecture Médoune Niasse, au Conseil Régionale de Saint-Louis ainsi qu’à la DCMP la présente décision qui sera publiée.

Le Président

Abdoulaye SYLLA

Les membres du CRD

Abd’El Kader NDIAYE Mamadou DEME Ndiacé DIOP

Le Directeur Général
Rapporteur

Saër NIANG

 

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