Index de l'article |
---|
Articles |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
page |
Toutes les pages |
L’expansion de l’intérêt général comme facteur de développement des partenariats public – privé
Conçue comme l’instrument de réalisation des aspirations profondes des populations, l’administration ne cesse de construire des moyens techniquement plus élaborés pour adapter son action à ses missions particulières[1]. Construit sur une base dynamique et concertée, l’outil PPP devient à cet effet un précieux levier mobilisable dans le cadre de ses interventions tournées exclusivement vers la satisfaction de l’intérêt général[2].
Cette notion difficile à cerner connaît une évolution extensive favorable à l’essor des contrats de PPP.
L’intérêt général, une notion contingente
En raison de ses multiples évolutions sous-tendues par des considérations socio-politiques, l’intérêt général devient une notion difficile à cerner. Assez contingente et fluide, elle peut connaître des excroissances particulières en fonction du domaine considéré[3].
Au gré des régimes politiques et des convictions subséquentes, sa contexture et sa consistance sont construites et déconstruites rendant toute tentative de définition sursitaire[4].Finalement, cette notion vogue dans le temps et dans l’espace et reste modulable aux enjeux et défis du moment[5].
Dans sa conception L’intérêt général correspond à la capacité des individus à transcender leurs appartenances et leurs intérêts pour exercer la suprême liberté de former ensemble une société politique[6]. Son principe générateur repose sur un compromis de base favorable à une mobilisation de toutes ressources de la société vers la satisfaction d’une série de besoins collectivement exprimés. Se hissant au rang des fondamentaux de la vie sociétale, il trouve une incarnation corporelle dans des activités stratégiques comme l’éducation, la santé, la sécurité, l’accès à l’eau…
Lorsque il est assumé par une personne publique, l’intérêt général se transforme en une mission de service public et requiert l’application de règles spéciales pour son exercice[7]. Toutefois, l’intérêt général ne saurait être l’apanage des personnes publiques. Il est, en effet, des hypothèses où des personnes assument des activités concourant à la réalisation de besoins collectifs comme l’alimentation ou la boulangerie qui acquièrent de ce fait un caractère d’intérêt général.
L’intérêt général : une expansion continue
Aujourd’hui, l’intérêt général dépasse son cadre naturel pour embrasser des espaces moins évidents troublant ses critères de distinction essentiels. Autorisant de nouvelles conquêtes, cette expansion favorise le développement des projets PPP dans de nouveaux secteurs restés pendant longtemps un terrain de prédilection des initiatives privées.
Comme pour refréner cette dynamique tentaculaire, Maurice HAURIOU n’a pas pu cacher son inquiétude de voir reconnaître un caractère d’intérêt général à l’activité de construction d’une salle devant abriter un théâtre municipal qui, selon lui, « exalte l’imagination, habitue les esprits à une vie factice et fictive…et excite les passions de l’amour, lesquelles sont aussi dangereuses- que celles du jeu et de l’intempérance »[8]. Ce chantre de la puissance publique prévenait le juge administratif qui n’a pas pu s’empêcher d’admettre que la construction et l’exploitation d’un casino municipal puisse revêtir un caractère d’intérêt général sous prétexte que cette infrastructure impacte positivement le développement du tourisme dans la zone considérée en rendant disponible des infrastructures de loisirs nécessaires à l’épanouissement des visiteurs. Cette évolution continue a fait basculer des activités comme les loisirs, le sport, la culture et le tourisme dans le domaine de l’intérêt général.
Ainsi, poussant les limites de son audace, le juge a qualifié l’organisation d’une fête locale traditionnelle comme une activité d’intérêt général mettant, sans doute, en avant la dimension culturelle de l’évènement[9]. Cette interprétation généreuse favorise le développement de projets d’infrastructures adaptées à confier à des opérateurs spécialistes de ces questions pour garantir aux populations la tenue de manifestations culturelles dans des conditions régulières. Elle ouvre des opportunités des partenariats féconds permettant aux opérateurs privés de développer avec surtout les collectivités territoriales des synergies propices à l’émergence d’ouvrages de base nécessaires à l’organisation de certains évènements culturels ou cultuels par les populations locales. Cette conception extensive de l’intérêt général permet donc de mobiliser des ressources financières additionnelles et l’expertise du secteur privé pour les mettre au service d’un développement de la culture au niveau des collectivités territoriales confrontées à des restrictions budgétaires généralement sévères[10]. Prenant le contrepied de la jurisprudence susvisée, le juge a exclu ce caractère d’intérêt général pour toute activité portant l’organisation d’une fête locale dépourvue de tout caractère traditionnel.[11]
Elargissant la sphère, le juge a admis le caractère d’intérêt général de l’activité d’exploitation d’une plage dans la perspective de promouvoir une station balnéaire. Ici, s’inscrivant dans une démarche téléologique, le juge a semblé rechercher la vocation attachée à l’activité pour retenir cette qualification particulière.
L’exploitation d’une plage à des fins touristiques suppose nécessairement l’aménagement d’espaces d’épanouissement et la mise en place d’installations particulières destinées à servir de cadres conviviaux pour accueillir des visiteurs aux goûts diversifiés[12]. Avec cette qualification dégagée par le juge, les administrations obtiennent des garanties juridiques autorisant le montage d’arrangements juridico-financiers favorables à des investissements privés autour des plages. Les conventions passées dans ces conditions jouissent d’une structuration propice à la réalisation d’investissements sécurisés, une exploitation pouvant assurer un retour sur investissement adéquat et la fourniture de services publics de qualité.
Suivant cette logique généreuse, des opérations de dépannage, d’évacuation et de remorquage sur les autoroutes ont pu être qualifiées d’activités d’intérêt général[13]. Ceci ouvre des perspectives heureuses pour les autoroutes avec l’idée de voir juste leur gestion confiée au même opérateur ou à un autre dans le cadre d’un affermage ou d’une régie intéressée à la fin du contrat de PPP sous l’empire duquel elle a connu sa première exploitation. Plus strictement, elle permet à l’administration qui entend assurer sa gestion directe, de transférer à un opérateur privé certaines prestations liées à son exploitation comme celles visées par cette jurisprudence.
Moustapha DJITTE
Magistrat
Expert juridique sénior en PPP
[1] Jean-Jacques ROUSSEAU, Contrat social : « il y’a bien souvent de la différence entre la volonté de tous et la volonté générale ; celle-ci ne regarde que l’intérêt commun, l’autre regarde l’intérêt privé et n’est qu’une somme de volontés particulières : mais ôtez de ces mêmes volontés les plus et les moins qui s’entre-détruisent, restent pour somme des différences la volonté générale ». L’exposé des motifs de la loi n°2021‐23 du 02 mars 2021 relative aux contrats de Partenariat Public‐Privé (JO 2021‐7407 réaffirme l’intérêt de recourir aux PPP pour la satisfaction des besoins d’intérêt général : « L’État du Sénégal, face à l’importance des investissements à réaliser pour la satisfaction des besoins d’intérêt général combinée à la nécessité d’optimiser l’utilisation des ressources publiques, a souhaité renforcer le recours aux sources de financement privé ».
[2] Conseil d’Etat, rapport public 1999, Jurisprudence et avis de 1998, l’intérêt général, p. 20 : « L’intérêt général est regardé à bon droit comme une pierre angulaire de l’action publique dont il détermine la finalité et fonde la légitimité ».
[3] Cette notion a émergé, à partir de 1750, grâce à l’influence du contrat social. M. Clément, Le sens de l’Histoire, Nouvelles éditions latines, 1958, p.42
[4] Dans leur manuel, Droit des services publics, JEAN François Lachaume, Hélène Pauliat, Claude Boiteau, Clotide Deffigier s’interrogent : « comment enfermer dans une définition simple une notion en perpétuelle évolution, largement tributaire des circonstances de temps, de lieu, de mœurs, de l’orientation de la majorité politique à un moment donné ? cette dernière ayant souvent tendance d’ailleurs à vouloir légitimer par l’intérêt général les décisions qu’elle prend et l’intérêt général risque alors de se transformer en véritable alibi ».
[5] Linotte, Recherches sur la notion d’intérêt général en droit administratif français, thèse Bordeaux 1975.
[6] Rapport public du Conseil d'Etat de 1999
[7] Selon l’article 11 de la loi n° 2006-16 du 30 juin 2006 modifiant la loi n° 65-51 du 19 juillet 1965 portant Code des Obligations de l'Administration : « Est considéré comme service public toute activité d’une personne morale de droit public en vue de satisfaire un besoin d’intérêt général ».
[8] Note ss, CE, 7 avril 1916, Astruc : S. 1916, 3, 41 : « le théâtre exalte l’imagination, habitue les esprits à une vie factice et fictive…et excite les passions de l’amour, lesquelles sont aussi dangereuses- que celles du jeu et de l’intempérance ».
[9] CE 22 novembre 1946, commune de Saint-Priest-La-Plaine.
[10] L’exposé des motifs de la Loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant Code général des Collectivités locales, J.O. N° 6765 du Samedi 28 Décembre 2013 souligne « l’incohérence et l’inefficience des mécanismes de financement du développement territorial ».
[11] CE, 1973, sieur Chatelier.
[12] CE, 21 juin plage « chez Joseph »