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Le financement innovant des infrastructures dans les collectivités territoriales
Au Sénégal, les marchés publics ont pendant longtemps constitué le principal mode de financement pour la réalisation des projets et programmes de l’Etat et des autres structures autonomes, tels que les établissements publics, les collectivités territoriales…. Ce mécanisme suppose toutefois l’existence de crédits budgétaires disponibles et l’interdiction des paiements différés. S’agissant des collectivités territoriales (CT), la faiblesse de leurs ressources propres et les difficultés structurelles de mobilisation de celles-ci, impose un changement de paradigme dans la recherche de financement innovant des infrastructures.
Dans ce contexte, les acteurs de la décentralisation, doivent mener une réflexion soutenue en vue de trouver de nouveaux modes de financement pour ne plus compter uniquement sur l’appui de l’Etat et des partenaires techniques et financiers.
Sous ce rapport, on peut citer les financements relevant de la commande publique, comme les marchés publics assortis d’un montage financier, le partenariat public-privé…, ainsi que les autres sources de financement qui ne relèvent pas de la commande publique (l’emprunt bancaire ou le marché financier).
Dans le cas d’un marché assorti d’un montage financier, l’institution financière prête à la collectivité publique, qui l’intègre dans son budget pour le financement du marché. Le mécanisme repose sur deux liens contractuels, à savoir le marché liant l’autorité contractante et le prestataire pour l’exécution physique et la convention de financement liant la collectivité publique au bailleur.
Quant au Partenariat Public Privé (PPP), au-delà d’une simple modalité ponctuelle de financement d’un projet donné, il est désormais considéré comme un instrument de politique économique fort ; ce qui a justifié l’adoption de la loi n° 2021-23 du 02 mars 2021 portant contrats de PPP, inspirée des standards internationaux et qui ouvre aussi la possibilité de réaliser des projets de type PPP dans les CT.
Celle-ci définit le PPP comme un contrat écrit conclu à titre onéreux pour une durée déterminée, entre une autorité contractante et un opérateur économique, qui est, selon son objet, les modalités de rémunération du titulaire et les risques transférés, qualifié de « contrat de partenariat public‐privé à paiement public » ou de « contrat de partenariat public‐privé à paiement par les usagers ».
Les collectivités décentralisées devraient donc exploiter le potentiel de ces contrats pour réaliser leurs infrastructures et garantir à leurs administrés le cadre de vie de qualité auquel ils aspirent.
Il convient de préciser également que « le choix d’une formule de PPP peut être guidé par d’autres motivations […]. Il en est ainsi de la recherche d’une plus grande performance de l’action publique, la volonté de bénéficier du savoir-faire des opérateurs privés en termes de maîtrise des coûts de gestion du service public, d’anticipation des chocs exogènes, de souplesse et de rapidité d’intervention[1] ».
Ainsi, en dépit des possibilités de contractualisation offertes par le cadre réglementaire (Code général des CT, loi PPP…) et institutionnel (Unité nationale d’Appui aux PPP), l’essentiel des CT sénégalaises n’ont pas exploité le financement de leurs infrastructures sous la forme de PPP. Cette situation jure d’avec celle qui prévaut au niveau d’autres collectivités décentralisées dans le monde, qui ont su tirer profit des opportunités du PPP.
En France, par exemple, si le volume de financement des projets réalisés sous la forme de PPP a été plus important pour l’Etat, en termes de nombre de contrats signés, les CT arrivent en tête du classement.
Aussi, à l’image des États, les CT doivent être en mesure de capter les autres opportunités de financement du développement, à travers l’emprunt bancaire ou le marché financier, qui constituent des alternatives pertinentes pour la diversification des sources de financement du développement territorial.
Cependant, il est noté de manière générale que les CT sénégalaises font face à de multiples défis de mise en œuvre de projets d’investissements, exacerbés par l’étroitesse de leurs possibilités budgétaires, la faiblesse de leurs ressources propres et les difficultés structurelles de mobilisation des rares revenus dont elles disposent.
- Les contraintes
L’atelier de renforcement de capacités et de vulgarisation des PPP organisé par le Ministère en charge des PPP, en octobre 2015, à l’intention des élus locaux, a permis d’identifier un certain nombre de limites au développement des PPP au sein des entités décentralisées. Ainsi, il a été constaté, à cette occasion, que les CT sénégalaises font face à de multiples défis dans la mise en œuvre des projets d’investissement. Il s’agit notamment de :
- l’insuffisance des dotations allouées par l’Etat, non proportionnellement égales aux charges nouvelles que leur imposent les compétences transférées ;
- les difficultés d’accès au financement bancaire et au financement obligataire des projets du fait de la fragilité des équilibres budgétaires (i) et des limites légales qui leur sont imposées en termes d’approbation ou d’exigences de garanties préalables de leurs emprunts par l’Etat (ii) ;
- le faible recours à l’intercommunalité et à la mutualisation des ressources et compétences malgré les réelles possibilités offertes par l’Acte III de la décentralisation ;
- l’absence de documents de programmation ou diagnostic institutionnel, organisationnel susceptibles de fournir des informations fiables sur leur potentiel de développement de projets PPP.
Dans la plupart des cas, c’est le projet lui-même qui définit la forme contractuelle de sa mise en œuvre.
- Les types de contrats adaptés : les PPP à paiement par les usagers (ex DSP[2])
Les contrats de type concessif seraient plus avantageux dans les projets reposant essentiellement sur une infrastructure potentiellement marchande (existence d’un profil d’usagers à pouvoir d’achat intermédiaire).
En revanche, ils ne sont pas adaptés aux projets d’investissements publics dans des secteurs où l’équilibre financier ne peut être assuré par les revenus des usagers, voire lorsque les prestations concernées ne peuvent faire l’objet d’un paiement par le bénéficiaire (écoles, hôpitaux…).
Les CT disposent de la liberté de choix du mode de gestion pour exploiter leurs services publics. Cette liberté découle du principe constitutionnel de la « libre administration des collectivités territoriales [3]». De ce fait, elles peuvent décider soit de gérer directement le service, soit d'en confier la gestion à un tiers. L’exploitation des infrastructures peut revêtir les formes de gestion communautaire, directe ou déléguée.
Cette dernière prend la forme d’une convention dont l’objet est de déléguer à un tiers une part plus ou moins grande d’une activité de service d’intérêt général, prise en charge par une CT (la gestion d’un marché, le ramassage des ordures, etc).
Toutefois, la jurisprudence française[4] a identifié certaines missions ne pouvant pas faire l’objet d’une délégation à une personne privée, à savoir :
- les missions de service public assurées par les CT au nom et pour le compte de l'État comme l'état civil ;
- les missions de service public qui relèvent de l'exécution même du pouvoir régalien des CT comme la police administrative, l’hygiène, la sécurité et la tranquillité ;
- l'exercice du pouvoir de réglementation ou d'organisation interne des CT.
- les infrastructures adaptées : les équipements marchands
Celles-ci peuvent revêtir les caractéristiques suivantes :
- les infrastructures à caractère purement économique : marchés, gares routières, abattoirs… ;
- les infrastructures de loisirs : maisons de la culture, salles de fête, campements, etc.
Dans tous les cas, l’infrastructure doit répondre à l’aspiration des communautés pour tirer le meilleur profit et améliorer les conditions de vie des populations. C’est pourquoi, il est judicieux de communiquer largement, d’informer efficacement sur les politiques municipales.
Pour garantir les conditions préalables à la mise en service de l’infrastructure, le maître d’ouvrage doit s’assurer que chacune des parties prenantes :
- accepte les modalités d’utilisation (volonté de payer pour le service, respect du règlement intérieur, respect de la réglementation du secteur...) ;
- dispose des moyens pour rendre son engagement concret (capacité à payer le service rendu, formation des usagers, mise à disposition d’un ouvrage fonctionnel…).
Pour atteindre ces objectifs, l’autorité contractante, en rapport avec les parties prenantes, doit définir les modalités de son exploitation au moment de la conception de l’ouvrage, en tenant compte de trois dimensions : le fonctionnement, la maintenance et le renouvellement et/ou l’extension.
- Les collectivités territoriales éligibles : les pôles territoires
Le recours au PPP pourrait constituer pour toutes les CT prises individuellement, une opportunité réelle de financement et de gestion du service public. Toutefois, le regroupement de collectivités décentralisées à travers les villes ou les pôles territoires offre plus d’intérêt pour attirer le partenaire privé.
En effet, le pôle territoire, conçu comme « un échelon fondamental pour favoriser une cohérence et une synergie des politiques publiques et articulé autour de villes et de communes dynamiques capables d’animer leur hinterland et de propulser une croissance et un dynamisme économique porteur de richesse [5]», pourrait représenter une excellente opportunité à la fois pour le public et pour le partenaire privé.
L’homogénéité au plan éco-géographique, historique, socioculturel et économique d’un pôle territoire permet d’identifier des problématiques communes à adresser à travers des projets structurants répondant à la vocation de chaque territoire. Le défi à relever d’un point de vue institutionnel est de mettre en place des pôles permettant à chaque CT membre de contribuer, selon sa spécificité, à la construction et au développement de la localité.
Ainsi, dans le cas des pôles territoires, le PPP pourraient permettre une rationalisation des financements et une mutualisation des moyens des acteurs décentralisées dans la prise en charge des grandes problématiques communes telles que la gestion des déchets, la faiblesse des ressources humaines et matérielles (services techniques communs), le déficit infrastructurel...
- Les autres modes de financement innovant accessibles aux CT
Au niveau de la Banque Ouest africaine de développement (BOAD), il est institué un « guichet des Collectivités territoriales », qui accorde des prêts directs aux collectivités décentralisées. La ville de Dakar serait la première CT à bénéficier d’un prêt concessionnel pour le financement partiel du projet de renforcement et d'extension du réseau routier revêtu non classé et de modernisation du parc de stationnement payant.
La BOAD a également initié des financements concessionnels à des Etats qui les rétrocèdent aux Communes. C’est le cas du Bénin, avec la réalisation des projets d’assainissement et de pavage de rues dans des communes comme Parakou.
S’agissant du recours aux marchés de capitaux, même si la règlementation du marché financier de l’UEMOA permet à une CT d’emprunter directement sur le marché financier régional, deux (02) limites majeures peuvent entraver ce mode de financement. D’abord, le risque d’insolvabilité des communes, du fait de la précarité de leurs ressources financières.
Ensuite, presque toutes les communes du Sénégal seraient confrontées à « l’effet de seuil » ; qui se produit lorsque la Commune est incapable de lever, sur le marché obligataire, des fonds à cause de la faiblesse de son épargne. Cette situation, ne lui permettant pas de réaliser des investissements de grande envergure, ne peut donc justifier le recours au marché obligataire.
C’est pourquoi, les CT devraient pouvoir lever des fonds sur le marché par le truchement d’un intermédiaire. Pour le cas du Sénégal, l’Agence de Développement Municipal, qui a une longue expérience dans le domaine du crédit communal (à travers ses nombreux programmes : PAC, PRECOL et PACASEN), pourrait jouer ce rôle d’intermédiation. La particularité de ce mode de financement est que la Collectivité territoriale est impliquée dans l’émission obligataire dans la mesure où, ce sont ses projets qui seront soumis au Conseil Régional de l’Epargne Publique et du Marché Financier. L’intermédiation contribuerait ainsi à lever « l’effet de seuil ».
Au Cameroun, l’emprunt obligataire de la Commune urbaine de Douala (CUD) a été rendu possible grâce à la création d'une société de droit privé (CUD Finance SA), dont le capital est détenu à 95% par la CUD. Ainsi, la société créée a pour mission d'emprunter sur le marché obligataire et de rétrocéder les fonds levés à la CUD sur la base d'une convention de financement.
Monsieur Kalidou SOW,
Juriste – Contrôleur à la Direction centrale des Marchés publics (DCMP)
Spécialiste en passation des Marchés publics et en Développement local
[1] Article de Monsieur I. FALL intitulé : « Partenariats public-privé et développement des projets prioritaires du Plan Sénégal Emergent : à quel montage contractuel se fier ? »
[2] Délégation de service public
[3] Article 102 de la constitution du Sénégal, modifiée
[4] Avis du Conseil d'État du 7 octobre 1986