DECISION N059
DECISION N° 059/12/ARMP/CRD DU 31 MAI 2012 DU COMITE DE REGLEMENT DES DIFFERENDS STATUANT EN FORMATION DISCIPLINAIRE SUR DES FAITS REPROCHES A L’ENTREPRISE GENERALE DES TRAVAUX D’ETUDES ET DE REALISATIONS (GTER SARL) RELATIFS A LA PRODUCTION DE FAUX DOCUMENTS DANS LE CADRE DE L’APPEL D’OFFRES DE L’AGENCE D’EXECUTION DES TRAVAUX D’INTERET PUBLIC (AGETIP) AYANT POUR OBJET LA CONSTRUCTION ET LA REHABILITATION DE VOIRIES DANS LA VILLE DE THIES
LE COMITE DE REGLEMENT DES DIFFERENDS STATUANT EN COMMISSION LITIGES,
Vu le Code des Obligations de l’Administration modifié par la loi n° 2006-16 du 30 juin 2006, notamment en son article 30 ;
Vu le décret n° 2011-1084 du 27 juillet 2011 portant Code des Marchés publics modifié, notamment en ses articles 147 et 148;
Vu le décret n° 2007-546 du 25 avril 2007 portant organisation et fonctionnement de l'Autorité de Régulation des Marchés publics (ARMP);
Vu la décision n° 0005/ARMP/CRMP du 19 mai 2008 portant règlement intérieur du Conseil de Régulation des Marchés publics ;
Vu la lettre de l’AGETIP en date du 07 septembre 20 11 ;
Après avoir entendu le rapport de M. René Pascal DIOUF, Chargé des enquêtes, rapporteur;
En présence de Monsieur Mamadou DEME assurant l’intérim de Monsieur Abdoulaye SYLLA, Président, absent, de MM. Abd’El Kader NDIAYE et Ndiacé DIOP, membres du Comité de Règlement des Différends (CRD) ;
De MM. Saër NIANG, Directeur général de l’ARMP, secrétaire rapporteur du CRD, Mme Takia FALL CARVALHO, Conseillère chargée de la Coordination et du Suivi et Cheikh Saad Bou SAMBE, Directeur de la Réglementation et des Affaires juridiques, observateurs ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Adopte la présente délibération fondée sur la régularité de la saisine, les faits et moyens exposés ci après :
Par lettre référencée TEC/2488/11 du 07 septembre 2011, enregistrée le 12 septembre 2011 sous le numéro 936 au Secrétariat du Comité de Règlement des Différends, le Directeur général de l’AGETIP a saisi le CRD d’une dénonciation relative à la production par l’entreprise GTER de fausses attestations de bonne exécution de travaux, dans le cadre de l’appel d’offre dont objet rappelé ci-dessus.
SUR LA COMPETENCE ET LA RECEVABILITE
Considérant qu’aux termes de l’article 20 du décret n° 2007-546 du 25 avril 2007 portant organisation et fonctionnement de l’ARMP, le CRD peut recevoir les dénonciations des irrégularités constatées avant, pendant et après la passation ou l’exécution des marchés publics et délégations de service public ;
Que si ces faits caractérisent des violations de la règlementation relative à l’exécution des marchés publics, le Président du CRD saisit le CRD en formation disciplinaire;
Qu’en application de cette disposition, le Président du CRD a régulièrement saisi la Formation disciplinaire des faits dénoncés par l’AGETIP ;
SUR LES FAITS
Dans le journal « Le Soleil » du 12 mai 2011, l’AGETIP a fait publier un avis d’appel d’offres ayant pour objet des travaux de construction et de réhabilitation de voiries dans la ville de Thiès (Axe principal Médina FALL, Avenue El Hadji Omar, Avenue du Baol, Rue MB1).
A l’ouverture des plis du 28 juin 2011, les entreprises CDE, Henan Chine, EATP/LSI, SOTRACOM, SOCETRA, EGCCBN et GTER ont présenté des offres pour le montant respectif de 2 334 230 900 FCFA HT, 1 650 361 375 FCFA HT, 1 259 321 592 FCFA HTHD, 3 074 409 756 FCFA HTHD, 1 923 899 200 FCFA HT, 1 284 848 871 FCFA HTHD et 1 265 883 200 FCFA HT.
Toutefois, au cours de l’évaluation, après investigation de la commission des marchés de l’AGETIP, il s’est avéré que les attestations de travaux similaires fournies par le candidat GTER ne sont pas authentiques.
Mis au courant de cette situation, le Directeur Général de l’AGETIP a saisi d’une dénonciation le Président du CRD qui a, à son tour, a saisi l’organe de règlement des différends siégeant en commission disciplinaire.
AU FOND
1- Sur les faits reprochés à GTER
Considérant qu’il est constant comme résultant de son « offre » que GTER a produit les attestations de travaux suivants :
- Attestation du 15 avril 2008 concernant le marché N° TA/0062B/ATR ayant pour objet des travaux PERA 2008 sur l’axe Toubacouta-Ndiaye Counda-Keur Madiabel pour un montant de 813 953 500 FCFA TTC,
- Attestation du 05 juin 2008 relative au marché N° TA1/0602/ATR ayant pour objet le reprofilage et le compactage du tronçon CFN1-Malem Hoddar-Siwol d’un montant de 911 038 310 FCFA TTC ;
- Attestation du 30 septembre 2009 pour des travaux généraux sur le réseau routier classé de la région de Tambacounda (Marché n° TA1/460/ATR d’un montant de 1 576 548 480 FCFA TTC),
- Attestation du 10 janvier 2011 pour des travaux généraux sur le réseau routier classé de Tambacounda Lot 2 PERA 2008 (Marché n° TA1/517/ATR de 1 782 675 400 FCFA TTC) ;
Considérant qu’il est tout aussi constant que, sur interpellation de l’AGETIP, Monsieur Lamine NDIAYE, chef d’Antenne de Fatick de l’Agence de Gestion des Routes (AGEROUTE), ex AATR, a apporté la réponse suivante : « En réponse à votre demande de vous confirmer l’authenticité des attestations qui porteraient l’entête et les cachets de l’antenne de Kaolack, je voudrais porter à votre connaissance que ces attestations sont des faux pour les raisons suivantes :
- En 2009, les cachets que j’utilisais en tant que chef d’antenne, étaient carrés ;
- En 2011, les cachets portaient déjà l’appellation de l’AGEROUTE » ;
Considérant que l’instruction a révélé que la société GTER aurait produit, en outre, les états financiers des exercices 2008, 2009 et 2010 censés avoir été certifiés par le cabinet d’expertise comptable et fiscale GAYE & Associés ;
Considérant qu’au vu de la lettre de demande de confirmation n° 99/ARMP/CRD/DG/CE du 18 janvier 2012, le Directeur dudit cabinet, dans sa réponse du 18 février 2012, a infirmé l’authenticité desdits documents ;
Qu’ainsi, au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater la violation des règles de passation des marchés publics par le biais du dépôt de fausses pièces, fait prévu et puni par les articles 147,d et 148 du Code des Marchés Publics ;
2- Sur l’imputabilité des faits
Considérant qu’il résulte de la dénonciation et des pièces du dossier que les violations poursuivies auraient été commises par l’entreprise GTER ;
Que, toutefois, le directeur général de ladite société, Monsieur El Hadji GAYE a réfuté la participation de GTER à la commission des faits incriminés ;
Considérant, en effet, que lors de son audition, Monsieur El Hadji GAYE a affirmé n’avoir jamais déposé une offre au nom de son entreprise, et a ajouté que dans l’organigramme de son entreprise, il n’existe pas de Directeur général adjoint et que le nommé Habibou GUEYE qui a signé l’offre par procuration est inconnu de lui ;
Qu’il a, néanmoins, révélé que dans le cadre de ce marché, il avait été approché par Madame Awa Cissé Diémé, gérante de la société Afrik Travaux, aux fins de constitution éventuelle d’un groupement, dans le cadre de l’appel en cause ;
Qu’à cet effet, il lui a remis certaines pièces administratives authentiques contenues dans le dossier (attestations de l’Inspection du Travail, des Impôts, capacité financière, caution bancaire…), mais lui a déclaré ne pas disposer d’attestations de bonne exécution ;
Qu’il a ajouté qu’il s’est limité à la remise desdits documents, puisque Mme Diémé s’était chargée de la confection du dossier ;
Qu’il a été surpris quand il a été informé des anomalies contenues dans l’offre imputée à GTER qu’il a découverte quand il s’est rendu à l’AGETIP pour s’informer de la teneur du dossier dont il a attesté de la fausseté de certains documents qui lui ont été montrés ;
Considérant que lors de son audition, Monsieur El Hadj Mamadou Ngom, chargé de l’administration de GTER a corroboré la remise des documents administratifs, par ses soins, à Mme Diémé, en précisant n’avoir remis ni états financiers, ni curricula vitae, sauf celui de Matar Seck, technicien supérieur à GTER ;
Considérant qu’entendue à son tour, Mme Awa Cissé Diémé a, dans un premier temps réfuté les déclarations de Monsieur Gaye, en soutenant qu’il avait été envisagé à un moment, la mise en place d’un groupement entre les deux sociétés, mais que ce projet n’a pas abouti ;
Que, cependant, lors d’une deuxième audition, Mme Diémé a rétracté ses premières déclarations, en avouant avoir noué des contacts avec GTER pour la préparation d’une offre ;
Qu’à cet égard, elle a réussi à acquérir le dossier d’appel d’offres, en raison d’un différend avec l’AGETIP qui l’empêchait de soumissionner désormais dans ses marchés ;
Qu’elle a, en sus, ajouté avoir signé une partie des documents et persuadé le nommé Habibou GUEYE qui travaille avec Afrik Travaux comme consultant, de signer la soumission au nom de GTER ;
Que, dans ces conditions, il y a lieu de mettre hors de cause la société GTER et de dire que les faits qui lui sont reprochés sont imputables à Mme Awa Cissé Diémé qui a agi intuiti personae et lui infliger les sanctions qui s’imposent ;
3- Sur la sanction
Considérant que l’article 148 du Code des Marchés Publics prévoit, au titre des sanctions pouvant être prononcées contre les candidats coupables de violation des règles de passation des marchés publics , la confiscation des garanties constituées par le contrevenant et l’exclusion du droit de concourir pour l’obtention de marchés publics, délégations de service public et contrats de partenariat pour une durée déterminée en fonction de la gravité de la faute commise ;
Qu’ainsi, la nature et la durée de la sanction encourue dépendent des circonstances propres à chaque affaire ;
Considérant qu’en l’espèce, la production par Mme Awa Cissé Diémé de fausses attestations n’est que la manifestation d’une volonté de fraude affirmée ;
Qu’en effet, un soin particulier a été pris aux fins de dissimuler le véritable auteur de la fraude, et d’en rendre injustement responsable la société GTER dont la bonne foi a été abusée ;
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