DECISION N062
DECISION N° 062/12/ARMP/CRD DU 06 JUIN 2012 DU COMITE DE REGLEMENT DES DIFFERENDS STATUANT EN COMMISSION LITIGES SUR LE RECOURS DE LA SOCIETE ESEF SURL CONTESTANT LA DECISION D’ATTRIBUTION DU MARCHE RELATIF A L’ENTRETIEN ET AU NETTOIEMENT DE L’HOPITAL ABASS NDAO DE DAKAR
LE COMITE DE REGLEMENT DES DIFFERENDS STATUANT EN COMMISSION LITIGES,
Vu l’article 30 du Code des Obligations de l’Administration modifié par la loi n°2006-16 du 30 juin 2006 ;
Vu le décret n° 2011-1048 du 27 juillet 2011 portant Code des marchés publics ;
Vu le décret n° 2007-546 du 25 avril 2007 portant organisation et fonctionnement de l'Autorité de Régulation des Marchés publics, modifié ;
Vu la décision n° 0005/ARMP/CRMP du 19 mai 2008 portant règlement intérieur du Conseil de Régulation des Marchés publics ;
Vu le recours de la société ESEF Surl daté du 08 mai 2012, reçu le lendemain au bureau du Courrier et enregistré le 11 mai 2012 au Secrétariat du CRD sous le numéro 402/12 ;
Après avoir entendu le rapport de M. Cheikh Saad Bou SAMBE, Directeur de la Réglementation et des Affaires juridiques, rapporteur présentant les moyens et les conclusions des parties,
En présence de Monsieur Abdoulaye SYLLA, Président, de MM Abd’El Kader N’DIAYE, Ndiacé DIOP et Mamadou DEME, membres du Comité de Règlement des Différends (CRD) ;
De M. Saër NIANG, Directeur Général de l’ARMP, secrétaire rapporteur du CRD, Mme Takia Nafissatou FALL CARVALHO, Conseillère chargée de la Coordination et du Suivi, MM. René Pascal DIOUF, Coordonnateur de la Cellule d’enquête sur les procédures de passation et d’exécution des marchés publics et délégations de service public, Ely Manel FALL, Chef de la Division Réglementation à la Direction de la Réglementation et
des Affaires juridiques, observateurs ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Adopte la présente délibération fondée sur la régularité du recours :
Par lettre en date du 08 mai 2012, reçue le 09 mai 2012, puis enregistrée le 11 mai 2012 sous le numéro 402/12 au Secrétariat du Comité de Règlement des Différends (CRD), l’Entreprise Serigne Falou (ESEF Surl) a saisi le CRD d’un recours pour contester l’attribution provisoire du marché relatif aux travaux d’entretien et de nettoiement de l’Hôpital Abass Ndao de Dakar.
LES FAITS
Le 05 mars 2012, l’Hôpital Abass Ndao a fait paraître dans le journal quotidien « Le Soleil », un avis d’appel d’offres relatif aux travaux d’entretien et de nettoiement de ses locaux.
A l’ouverture des plis, huit (8) offres ont été déposées.
Après évaluation des offres reçues, la commission des marchés a désigné le soumissionnaire Al Firdawsi Services attributaire du marché, puis a notifié, par lettre du 08 mai 2012, aux autres candidats le rejet de leurs offres.
Le même jour, ESEF Surl a introduit auprès du CRD, un recours contestant la décision d’attribution du marché susnommé.
Par décision n° 052/12/ARMP/CRD du 18 mai 2012, le CRD a suspendu la procédure de passation du marché litigieux.
SUR LES MOYENS DEVELOPPES A L’APPUI DU RECOURS
A l’appui de son recours, ESEF Surl soutient qu’elle a soumis l’offre la moins disante à l’ouverture des plis et a respecté les critères indiqués dans le dossier d’appel d’offres.
Par conséquent, elle conteste la non exhaustivité de son offre, motif avancé par la commission des marchés pour l’écarter.
SUR LES MOTIFS DONNES PAR L’AUTORITE CONTRACTANTE
Selon le Centre Hospitalier Abass Ndao, ESEF Surl a présenté une liste de produits d’entretien non conformes ne comprenant que dix sept (17) articles, en lieu et place des dix neuf (19) exigés par les clauses techniques du dossier d’appel d’offres (DAO).
Le requérant a également omis de présenter la fiche technique desdits produits faisant ressortir les activités antimicrobiennes, ce qui est important, au vu de la nature et de la qualité des produits pour ce type de marché.
Par ailleurs, le requérant n’a pas respecté les exigences de la clause 5.4 des Données particulières en matière de capacité technique, notamment la réalisation, au moins, d’un marché similaire qui porte sur des prestations de nettoiement dans un centre hospitalier.
Pour l’autorité contractante, cette exigence revêt une importance capitale au regard des prescriptions du Programme national de lutte contre les infections nosocomiales (PRONALIN) et de son comité local (CLLIN).
En effet, la récurrence des infections nosocomiales, et leurs conséquences parfois fatales, oblige le Centre Hospitalier, en rapport avec l’Institut Pasteur, à effectuer des prélèvements dans les salles d’hospitalisation, les blocs opératoires, les locaux du laboratoire et lieux de soins, aux fins d’analyses biologiques et microbiologiques pour identifier les souches résistantes.
Pour conclure, l’autorité contractante soutient que le marché a fait l’objet d’une revue a priori à toutes les étapes de la procédure par la DCMP.
L’OBJET DU LITIGE
Il résulte des faits, motifs et constatations faites par les parties que le litige porte sur la validité des motifs avancés par la commission des marchés pour écarter l’offre du requérant pour, d’une part, défaut d’exhaustivité et, d’autre part, pour absence de preuve indiquant la réalisation d’un marché similaire.
EXAMEN DU LITIGE
Considérant que selon les dispositions de l’article 27 du Code des obligations de l’Administration modifié , les acheteurs publics peuvent requérir des candidats des justifications concernant notamment l’expérience acquise dans la réalisation d’activités analogues à celle faisant l’objet du marché ; que cependant, ils doivent respecter les principes de libre accès à la commande publique et d’égalité de traitement des candidats ;
Considérant que selon les dispositions des articles 68 et 70 du Code des Marchés publics, avant de procéder à l'analyse, à l'évaluation et à la comparaison des offres, la commission des marchés compétente procède à un examen préliminaire, puis détermine si les offres sont conformes aux conditions et spécifications des cahiers des charges ;
Considérant qu’à la suite de cette première étape, la commission procède à une évaluation détaillée en fonction des critères établis dans le dossier d'appel à la concurrence et propose l'attribution du marché au candidat qui a soumis l’offre conforme évaluée la moins disante et qui remplit les critères de qualification ;
1) Sur la non exécution d’un marché similaire :
Considérant qu’ il est constant comme résultant des énonciations de la clause 5.4 des Données particulières de l’Appel d’offres (DPAO) que le candidat doit, notamment, prouver la réalisation d’un marché similaire durant les trois dernières années ;
Considérant que par rapport à ce critère, le requérant a produit copie des marchés suivants, avec à l’appui, des attestations de bonne exécution:
a) nettoiement et désinfection des immeubles gérés par la Direction de la Gestion du Patrimoine Bâti d’un montant de 11 162 800 F CFA ;
b) entretien et nettoiement des locaux du Ministère de l’Intérieur pour un montant de 28 780 000 F CFA,
c) nettoiement du Building administratif et de l’Annexe des Archives nationales pour un montant de 29 880 880 F CFA ;
Considérant que par marché similaire, il faut entendre, non pas des prestations identiques, mais équivalentes, qui peuvent d’une certaine façon, être assimilées, les unes aux autres
Considérant que l’exécution d’un marché de nettoiement, fût-il dans un établissement hospitalier ou autre, suppose, de la part du prestataire, l’obligation, pour l’essentiel, d’avoir à sa disposition, des moyens humains à travers des agents formés à cet effet, des moyens logistiques adéquats et des moyens financiers prouvant sa capacité à exécuter les prestations visées ;
Considérant qu’en l’espèce, il ressort du rapport d’évaluation des offres, que le requérant a rempli les critères susnommés qui sont d’ailleurs énoncés à la clause 5.4 (qualification des candidats) des Données particulières du DAO et a produit également, l’agrément du Ministère de la Santé, de l’Hygiène publique et de la Prévention le déclarant apte à effectuer des travaux de désinfection, de désinsectisation, de dératisation et de nettoiement ;
Qu’à cet égard, il y a lieu par conséquent de considérer que le soumissionnaire ESEF a satisfait à ce critère ;
2) Sur la non exhaustivité de l’offre du requérant :
Considérant que la Section IV du DAO (Programme d’activités) cite les produits
d’entretien suivants dont doit disposer chaque soumissionnaire :
• détergent,
• poudre à récurer (ajax),
• aseptol (bouteille),
• lave vitre à l’alcool 30° (starwax),
• klercide désinfectant,
• soludoz,
• florodor,
• eau de javel concentrée pure,
• bombe désodorisante starwax pour les bureaux,
• boule désodorisante pour wc,
• savon pour les toilettes individuelles,
• débouchoir en poudre (acide borique) pour lavabo et chaise anglaise,
• papier hygiénique,
• savon liquide,
• sol plusieurs,
• cire pour cuir, bois, bureaux, miroirs et stores,
• désinfectant bactéricide citronnelle,
• désinfectant bactérmat,
• lave vitres ;
Considérant que selon la clause 14.1 des Instructions aux candidats, le candidat devra produire une proposition technique incluant un programme d’activités et les méthodes d’exécution prévues, la liste du matériel, du personnel, le calendrier d’exécution ainsi que tout autre renseignement demandé ;
Considérant que selon les informations exposées en liminaire à la Section IV du DAO, l’objectif du Programme d’activités est :
1) de fournir suffisamment d’informations sur les services à exécuter afin de permettre de préparer efficacement des soumissions précises, et,
2) une fois le marché attribué, de permettre la présentation d’un programme d’activités qui sera utilisé pour l’appréciation périodique des services exécutés ;
Considérant qu’il est reproché au requérant, à l’instar des autres soumissionnaires Ets Khady Ndiaye, TGE, SDN/Sécurité, d’avoir omis de présenter la fiche technique des produits demandés ou d’avoir présenté une liste de produits non exhaustive, ce qui justifie la non-conformité de leurs offres ;
Considérant que cependant, la mise en place desdits produits ne peut s’apprécier qu’au moment de l’exécution des prestations par le titulaire, non au moment de l’évaluation des offres, comme semble l’indiquer la commission des marchés ;
Considérant que si l’autorité contractante décide de faire de la disponibilité des produits susmentionnés un critère de conformité, elle doit nécessairement prévoir, dans le DAO, l’obligation pour les soumissionnaires de présenter des échantillons, pour permettre à la commission des marchés d’évaluer en toute objectivité cette exigence ;
Considérant dès lors, qu’en l’absence de toute obligation de présentation d’échantillons, la commission des marchés ne saurait valablement invoquer le défaut d’exhaustivité de la fiche technique ou des produits proposés et motiver par conséquent sa décision de rejet ;
PAR CES MOTIFS :
1) Constate que la clause 5.4 des Données particulières du DAO n’a pas exigé des candidats, qu’ils prouvent la réalisation d’un marché identique, mais d’un marché similaire ; à cet égard,
2) Constate que le requérant a prouvé la réalisation de trois marchés similaires; par conséquent,
3) Dit que ledit critère a été rempli par le requérant ;
4) Constate que l’autorité contractante n’a pas fait de la production des dix neuf produits exigés, un critère de conformité ; à cet égard,
5) Dit que la décision de rejet de l’offre de ESEF par la commission des marchés pour défaut d’exhaustivité, n’est pas fondée ;
6) Annule la décision d’attribution provisoire du marché ;
7) Ordonne la reprise de l’évaluation des offres ;
8) Dit que le Directeur général de l’ARMP est chargé de notifier à la société ESEF, au Centre Hospitalier Abass Ndao ainsi qu’à la DCMP, la présente décision qui sera publiée.
Le Président
Abdoulaye SYLLA
Les membres du CRD
Abd’El Kader NDIAYE Mamadou DEME Ndiacé DIOP
Le Directeur Général
Rapporteur
Saër NIANG
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