DECISION N093
DECISION N° 093/12/ARMP/CRD DU 21 AOUT 2012 DU COMITE DE REGLEMENT DES DIFFERENDS STATUANT EN COMMISSION LITIGES SUR LA DEMANDE DE LA SICAP.SA SOLLICITANT L’AUTORISATION DE CONCLURE, PAR AVENANT, LES TRAVAUX COMPLEMENTAIRES EFFECTUES DANS LE CADRE DU PROGRAMME DE CONSTRUCTION DE DEUX CENT LOGEMENTS ECONOMIQUES ET CINQUANTE DUPLEX A SICAP MBAO VILLENEUVE PHASE 2, SUITE A L’AVIS DEFAVORABLE DE LA DCMP.
LE COMITE DE REGLEMENT DES DIFFERENDS STATUANT EN COMMISSION LITIGES,
Vu le Code des Obligations de l’Administration, modifié par la loi n° 2006-16 du 30 juin 2006 ;
Vu le décret n° 2011-1048 du 27 juillet 2011 portant Code des Marchés publics ;
Vu le décret n° 2007-546 du 25 avril 2007 portant organisation et fonctionnement de l'Autorité de Régulation des Marchés publics (ARMP) notamment en ses articles 20 et 21 ;
Vu la décision n° 0005/ARMP/CRMP du 19 mai 2008 portant règlement intérieur du Conseil de Régulation des Marchés publics ;
Vu la lettre n° 1321/DT en date du 30 Juillet 2012 de la SICAP SA, reçue le 1er août 2012, puis enregistrée le 02 août 2012 sous le numéro 662/12 au Secrétariat du Comité de Règlement des Différends (CRD) ;
Après avoir entendu le rapport de M. Cheikh Saad Bou SAMBE, Directeur de la Réglementation et des Affaires juridiques, présentant les moyens et les conclusions des parties,
En présence de Monsieur Abdoulaye SYLLA, Président, de MM. Abd’El Kader NDIAYE et Ndiacé DIOP, membres du Comité de Règlement des Différends (CRD) ;
De M. Saër NIANG, Directeur Général de l’ARMP, secrétaire rapporteur du CRD, Mme Takia Nafissatou FALL CARVALHO, Conseillère chargée de la Coordination et du Suivi, MM. René Pascal DIOUF, Coordonateur de la Cellule d’enquête sur les procédures de passation et d’exécution des marchés publics et délégations de service public, observateurs ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Adopte la présente délibération fondée sur la régularité du recours :
Par lettre n° 1321/DT en date du 30 Juillet 2012, reçue le 1er août 2012, puis enregistrée le 02 août 2012 sous le numéro 662/12, la SICAP SA a saisi le CRD pour bénéficier d’un avis relatif aux modifications apportées au contrat de travaux de construction de deux cent logements économiques et cinquante duplex à SICAP MBAO Villeneuve Phase 2, suite à l’avis défavorable de la DCMP.
A l’appui de sa demande, le requérant a produit copie des documents suivants :
• Copie de la lettre de la SICAP SA en date du 02 avril 2012,
• Copie de la lettre n° 0824/MEF/DCMP/24 en date du 14 février 2012,
• Copie de la lettre de la SICAP SA en date du 17 février 2012,
• Copie du projet d’Avenant N°1 au marché N° T/121/FM,
• Copie de la lettre n° 1680/MEF/DCMP/72 en date du 17 avril 2012,
• Copie de la lettre de la SICAP SA en date du 09 mai 2012,
• Copie de la lettre n° 2125/MEF/DCMP/14 en date du 16 mai 2012,
• Copie de la lettre de TOPO PLUS en date du 24 juillet 2012,
• Copie de la lettre du Bureau ALPAGES en date du 15 janvier 2010,
• Copie du devis des travaux projetés.
SUR LA RECEVABILITE DE LA SAISINE
Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 140 du Code des marchés publics, la DCMP est chargée d’émettre un avis sur les avenants aux marchés qui sont soumis à la revue a priori ;
Considérant que selon l’article 22 du décret 2007-546 du 25 avril 2007 portant organisation et fonctionnement de l’ARMP, la Commission Litiges est chargée de statuer sur les litiges entre les organes de l’Administration ;
Considérant que suite à une saisine de la SICAP SA, l’organe chargé du contrôle a priori a, en réponse par courrier du 16 mai 2012, reçu le 21 mai 2012, donné un avis défavorable à la conclusion de l’Avenant n°1 du marché susnommé ;
Considérant que l’autorité contractante a introduit une requête devant le CRD par lettre du 30 Juillet 2012, reçue le 1er août 2012, puis enregistrée le 02 août 2012, pour demander l’autorisation de conclure ledit avenant ;
Considérant qu’en l’espèce, ce recours n’est soumis à aucun délai, il y a lieu de le déclarer recevable ;
LES FAITS
A la suite d’un appel d’offres, la SICAP SA a désigné les entreprises CSTP SARL et SAHEL GROUP SA, respectivement attributaires des lots 1 et 2 du marché pour la réalisation des travaux de construction de 300 logements économiques et 50 duplex du programme SICAP MBAO VILLENEUVE PHASE II, actuellement en cours à hauteur du carrefour de Keur Massar.
Dans le cadre de l’exécution des travaux, les deux entreprises précitées ont réalisé, entre autres, les prestations supplémentaires en fondation non comprises dans leur devis de base.
La SICAP SA a saisi la DCMP par lettre en date du 09 mai 2012, pour obtenir un avis préalable relatif au projet d’avenant au contrat susvisé en vertu de l’article 23 alinéa 2 b du Code des Marchés Publics (CMP).
Après examen du dossier, La DCMP a rendu un avis défavorable.
La SICAP SA a sollicité, par lettre en date du 30 juillet 2012, l’avis du CRD sur la question et sur la conduite à tenir face à des situations similaires auxquelles elle est régulièrement confrontée.
MOYENS FOURNIS A L’APPUI DE LA SAISINE
Afin de garantir la stabilité et la sécurité des constructions du marché pour la réalisation des travaux de construction de 300 logements économiques et 50 duplex du programme SICAP MBAO VILLENEUVE PHASE II, l’entreprise CSTP SA a effectué, en cours de travaux, les modifications suivantes :
• l’augmentation de la profondeur des fondations pour atteindre le bon sol situé au- delà des 60 cm prévus dans le Cahier des prescriptions techniques particulières,
• l’installation d’une couche de polyane pour éviter les remontées capillaires en raison de la situation géographique du terrain et surtout du constat fait après la saison des pluies,
• l’élévation du niveau des dallages pour assurer une bonne mise hors d’eau des constructions et
• la mise à la terre du neutre sur le réseau d’alimentation électrique.
Ensuite, la SICAP SA a supprimé du marché, certaines prestations comme la niche pour le compteur électrique dans le lot « Electrification », le bac à laver, le portail, le portillon et la rampe pour escalier pour le « Type Economique ».
Selon l’autorité contractante, l’avenant résultant des modifications opérées ne peut être signé avant l’exécution des travaux, au motif que certains coûts y relatifs ne peuvent être calculés d’avance.
C’est le cas par exemple de la sur-profondeur à creuser pour atteindre le bon sol d’assise d’une fondation, ou de la quantité de sable nécessaire pour réaliser une purge sur une route.
Ces travaux font l’objet d’attachements contradictoires pour déterminer les quantités effectivement mises en œuvre, sur lesquelles seront appliquées les prix unitaires de base.
Pour terminer, la SICAP SA se pose des questions sur l’étendue du champ d’application de l’article 4 du Code des Obligations de l’Administration, étant donné que les marchés conclus avec une société à participation publique majoritaire de droit privé, ne constituent pas des contrats administratifs selon l’article 4.21 du Code des marchés publics.
Elle précise également que l’article 23 du CMP permet à l’autorité contractante d’ordonner la réalisation de certaines prestations, en prenant soin de signer l’avenant s’y rapportant avant la réception provisoire des travaux.
LES ARGUMENTS INVOQUES PAR LA DCMP
La DCMP estime que l’autorité contractante n’a pas respecté les dispositions de l’article 44 du Code des obligations de l’Administration qui prévoit que le contrat ne peut produire d’effet qu’après l’approbation de l’autorité administrative compétente.
Or, l’autorité contractante a réalisé les travaux incriminés sans attendre la conclusion du dit avenant.
Pour justifier ce refus, elle invoque également la clause 15 du Cahier des Clauses Administratives Générales (CCAG) qui stipule que la seule exception aux dispositions précitées concerne les travaux non prévus dans le marché de base, auquel cas l’avenant prenant en charge lesdits travaux pourrait intervenir après leur exécution.
L’OBJET DU RECOURS
Il ressort des faits, moyens et motifs ci-dessus développés que la demande porte, d’une part, sur la possibilité de conclure un avenant après avoir effectué les prestations, d’autre part, sur la conduite à adopter dans le futur, face à des cas similaires.
EXAMEN DE LA DEMANDE
Considérant qu’il ressort des dispositions de l’article 23 du Code des marchés publics que les modifications des conditions initiales du marché après son approbation doivent faire l’objet d’un avenant écrit, signé par les représentants habilités de l'autorité contractante et du titulaire du marché. Un avenant ne peut porter que sur les objets suivants :
a) la modification de clauses du marché initial n’ayant aucune incidence sur son montant ni sur le volume des fournitures, services ou travaux mais nécessaires à son exécution, y compris les changements affectant l'autorité contractante ou ceux affectant la forme ou la structure juridique du titulaire, sans remettre en cause les éléments du choix initial ni l'économie du marché, ni le titulaire du marché ;
b) l’augmentation ou la réduction de la masse des fournitures, services ou travaux excédant les variations maximales prévues par le dossier d'appel à la concurrence ;
c) la réalisation de fournitures, services ou travaux non prévus au marché mais nécessaires à l’exécution de son objet, du fait de la survenance de sujétions imprévues ;
d) la prolongation ou la réduction du délai d’exécution du marché initial.
Considérant que dans le cadre du marché susnommé, la SICAP SA, en relation avec le bureau de contrôle ALPAGES et le géomètre du projet, TOPO PLUS, a pris des mesures en cours de travaux, pour assurer la stabilité des constructions et garantir leur sécurité, sans attendre la signature d’un avenant ;
Considérant que pour cette raison, la DCMP a valablement estimé que la SICAP n’a pas respecté les dispositions de l’article 44 du COA et a refusé ainsi, d’accorder un avis favorable à la demande introduite ;
Considérant que dans le procès-verbal de visite de chantier daté du 21 octobre 2009, établi par le bureau de contrôle ALPAGES, il est mentionné ce qui suit : « Suite à notre visite de ce jour au chantier ci-dessus, nous vous faisons part de :
Vu sondages de profondeur de 1,70 m, nous avons un sable homogène de couleur ocre sur toute la hauteur. Nous validons la contrainte de calcul de 1,5 bars.
Le niveau de la nappe variant entre 1,50 m et 60 cm suivant les zones, nous vous demandons de prendre les dispositions suivantes :
- prévoir un film polyane au dessus du dallage,
- élever le niveau fini de dallage au sol à au moins 50 cm par rapport au TN,
- prendre les dispositions pour couler les semelles avant remontées de la nappe…,
- Ancrer les semelles au moins à 80 cm par rapport au TN… » ;
Considérant que par lettre du 24 juillet 2012, le topographe TOPO PLUS a fait parvenir à la SICAP SA, les hauteurs des soubassements suivantes qui ont été effectuées, après code de terrassement :
- 35 logements à 0,80 m,
- 95 logements à 0,60 m,
- 76 logements à 0,30 m ;
Considérant qu’à cet égard, s’il est établi que les travaux qui portent sur des postes prévus, ont été effectués préalablement à la signature d’un avenant, il apparaît que la SICAP SA a commis un manquement en omettant de déterminer aussi exactement que possible, la nature et l’étendue des besoins à satisfaire ;
Qu’en effet, il appartenait à l’autorité contractante, compte tenu de la nature du marché, de diligenter les études géotechniques et topographiques nécessaires en amont, afin de les porter à l’information des candidats ;
Considérant que toutefois, l’avis défavorable de la DCMP, quoique bien fondé, entrainerait une sanction à l’égard de l’entreprise pour avoir exécuté de bonne foi, des prestations imprévues pour assurer une sécurité à l’édifice, mais recommandées par le
bureau de contrôle ;
Considérant qu’à cet égard, et compte tenu des recommandations du bureau ALPAGES, le CRD admet à titre exceptionnel, la conclusion de l’avenant portant sur les prestations effectuées par la société CSTP ;
Considérant qu’en revanche, il appartient à la SICAP SA d’observer les règles régissant les travaux de cette nature et éviter, pour l’avenir, la survenance de pareils manquements ;
Considérant également que par rapport à l’étendue du champ d’application de l’article 4 du COA, tous les marchés publics conclus par des personnes morales de droit public, qu’ils soient des contrats administratifs ou non, demeurent soumis au Code des marchés publics, en référence aux dispositions combinées des articles premier du COA et 4.21 du décret n°2011-1048 du 27 juillet 2011 ;
Considérant que par ailleurs, même s’il est constant que l’autorité contractante a commis un manquement, il apparaît que la conclusion d’un avenant est possible en considération des dispositions de l’article 23.3 du Code des marchés publics, au motif que la réception provisoire desdits travaux n’a pas été prononcée ;
PAR CES MOTIFS :
1) Déclare recevable la saisine ;
2) Dit que tous les marchés publics conclus par des personnes morales de droit public, qu’ils soient des contrats administratifs ou non, demeurent soumis au Code des marchés publics, en référence aux dispositions combinées des articles premier du COA et 4.21 du décret n°2011-1048 du 27 juillet 2011 ;
3) Constate que les travaux litigieux ont été réalisés avant la signature de l’avenant ; à cet égard,
4) Constate que les travaux résultent de la survenance, en cours de travaux, d’imprévus dûs à des manquements imputables à l’autorité contractante ; toutefois,
5) Dit qu’il peut être autorisée la conclusion de l’avenant n°1 précité puisque la réception provisoire des travaux du marché litigieux n’a pas été prononcée, en référence aux dispositions de l’article 23.3 du Code des marchés publics ;
6) Dit qu’il appartient désormais à la SICAP SA d’observer les règles régissant les travaux de cette nature et éviter, pour l’avenir, la survenance de pareils manquements ;
7) Dit que le Directeur général de l’ARMP est chargé de notifier à la SICAP SA, ainsi qu’à la DCMP, la présente décision qui sera publiée.
Le Président
Abdoulaye SYLLA
Les membres du CRD
Mamadou DEME Abd’El Kader NDIAYE Ndiacé DIOP
Le Directeur Général
Rapporteur
Saër NIANG
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